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NOYER

tation artificielle. Le Noyer n’est pas un de ces arbres qui se sèment et se naturalisent avec facilité. La nature de ses graines s’y oppose peut-être, et d’ailleurs il lui faut des climats où il ne gèle pas beaucoup et d’une chaleur modérée. Il ne dépasse guère la limite septentrionale de la vigne et s’avance beaucoup moins qu’elle au midi.

Les Grecs, habitués à l’huile d’olive, ont négligé plus ou moins le Noyer, jusqu’à ce qu’ils aient reçu de Perse une meilleure variété, dite du roi, Karuon basilikon[1] ou Persikon[2]. Les Romains ont cultivé le Noyer dès l’époque de leurs rois ; ils le regardaient comme d’origine persane[3]. On connaît leur vieux usage de jeter des noix dans la célébration des noces.

L’archéologie a confirmé ces détails. Les seules noix qu’on ait trouvées jusqu’à présent sous les habitations des lacustres de Suisse, Savoie ou Italie se réduisent à une localité des environs de Parme, appelée Fontinellato, dans une couche de l’époque du fer[4]. Or ce métal, très rare du temps de la guerre de Troie, n’a dû entrer dans les usages de la population agricole d’Italie qu’au VIe ou VIe siècle avant J.-C, époque à laquelle au delà des Alpes on ne connaissait peut-être pas même le bronze. Dans la station de Lagozza, les fruits du noyer ont été trouvés dans une couche tout à fait supérieure et nullement ancienne du sol[5]. Évidemment les Noyers d’Italie, de Suisse et de France ne descendent pas des individus fossiles des tufs quaternaires dont j’ai parlé.

Il est impossible de savoir à quelle époque on a commencé de planter le Noyer dans l’Inde, Ce doit être anciennement, car il existe un nom sanscrit Akschôda, Akhôda ou Akhôta. Les auteurs chinois disent que le Noyer a été introduit chez eux, du Thibet, sous la dynastie Han, par Chang-Kien, vers l’année 140-150 avant J.-C.[6]. Il s’agissait peut-être d’une variété perfectionnée. D’ailleurs il est probable, d’après les documents actuels des botanistes, que le Noyer spontané est rare dans le nord de la Chine et qu’il manque peut-être dans la partie orientale. La date de la culture au Japon est inconnue.

Le Noyer et les noix ont reçu chez d’anciens peuples une infinité de noms, sur lesquels la science et l’imagination des linguistes se sont déployées[7], mais l’origine de l’espèce est trop claire pour que nous ayons à nous en occuper.

  1. Dioscorides, l. 1, c. 176.
  2. Pline, Hist. plant., l. 15, c. 22.
  3. Pline, Ibid.
  4. Heer, Pflanzen der Pfahlbauten, p. 31.
  5. Sordelli, Sulle piante della torbiera, etc., p. 39.
  6. Bretschneider, On the study and value, etc., p. 16, et lettre du 23 août 1881.
  7. Ad. Pictet, Les origines indo-européennes, éd. 2, vol. 1, p. 299 ; Hehn, Culturpflanzen und Hausthiere, éd. 3, p. 341.