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RICIN COMMUN

champs, plutôt pour l’usage médicinal. L’espèce sauvage croît dans les jardins abandonnés (in desertis hortis) ; elle provient sans doute de la plante cultivée (sine dubio degeneratio domesticæ), » Au Japon, le Ricin se voit parmi les buissons et sur les pentes du mont Wunzen, mais MM. Franchet et Savatier[1] ajoutent : « Probablement introduit. » Enfin le Dr  Bretschneider ne mentionne pas l’espèce dans son opuscule de 1870, ni dans les lettres qu’il m’a adressées, ce qui me fait supposer une introduction peu ancienne en Chine.

On cultive le Ricin dans l’Amérique intertropicale. Il s’y naturalise facilement dans les taillis, les décombres, etc. ; mais aucun botaniste ne l’a trouvé avec les conditions d’une plante vraiment indigène. L’introduction doit remonter au premier temps de la découverte de l’Amérique, car on cite aux Antilles un nom vulgaire, Lamourou, et Pison en indique un autre au Brésil, Nhambu-Guacu, Figuero inferno des Portugais. C’est de Bahia que j’ai reçu le plus grand nombre d’échantillons. Aucun n’est accompagné d’une assertion de véritable indigénat. En Égypte et dans l’Asie occidentale, la culture du Ricin date d’époques si reculées qu’elles ont fait illusion sur l’origine.

Les anciens Égyptiens la pratiquaient largement, d’après Hérodote, Pline, Diodore, etc. Il n’y a pas d’erreur sur l’espèce, car on a trouvé dans les tombeaux des graines qui lui appartiennent[2]. Le nom égyptien était Kiki. Théophraste et Dioscoride l’ont mentionné, et les Grecs modernes l’ont conservé[3], tandis que les Arabes ont un nom tout différent, Kerua, Kerroa, Charua[4].

Roxburgh et Piddington citent un nom sanscrit Eranda, Erunda, qui a laissé des descendants dans les langues modernes de l’Inde. À quelle époque du sanscrit remonte ce nom ? C’est ce que les botanistes ne disent pas. Comme il s’agit d’une plante des pays chauds, les Aryas n’ont pas dû en avoir connaissance avant leur arrivée dans l’Inde, c’est-à-dire à une époque moins ancienne que les monuments égyptiens.

La rapidité extrême de la croissance du Ricin a motivé divers noms dans les langues asiatiques et celui de Wunderbaum en allemand. La même circonstance et l’analogie avec le nom égyptien, Kiki, ont fait présumer que le Kikajon de l’Ancien Testament[5], qui avait crû, disait-on, dans une nuit, était le Ricin.

Je passe une infinité de noms vulgaires plus ou moins absurdes, comme Palma Christi, Girasole de quelques Italiens, etc., mais il

  1. Franchet et Savatier, Enum. Japon., 1, p. 424.
  2. Unger, Pflanzen des alten Ægyptens, p. 61.
  3. Théophraste, Hist., l. 1, c. 19 ; Dioscorides, 1. 4, c. 171 ; Fraas, Synopsis fl. class., p. 92.
  4. Nemnich, Polyglott. Lexicon ; Forskal, Fl. ægypt., p. 75.
  5. Jonas, IV, 6 ; Pickering, Chronol. hist. of plants, p. 225, écrit Kykwyn.