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COTONNIER ARBORESCENT

dans la basse Égypte ; mais voici la traduction du passage très remarquable, de lui, qu’on cite souvent : « La partie supérieure de l’Égypte, du côté de l’Arabie, produit un arbuste appelé par quelques-uns Gossipion et par plusieurs autres Xylon, ce qui a fait appeler xylina les fils qu’on en obtient. Il est petit et porte un fruit, semblable à celui de la noix barbue, dont on tisse la laine extraite de l’intérieur. Aucune ne lui est comparable pour la blancheur et la mollesse. »

Pline ajoute : « Les vêtements qu’on en fait sont les plus recherchés par les prêtres égyptiens. » Peut-être le coton destiné à cet usage était-il envoyé de la Haute Égypte, ou bien l’auteur, qui n’avait pas vu la fabrication et ne possédait pas nos microscopes, s’est-il trompé sur la nature des vêtements sacerdotaux, comme nos contemporains qui ont manié des centaines d’enveloppes de momies avant de se douter qu’elles n’étaient pas de coton. Chez les Juifs, les robes des prêtres devaient, d’après la règle, être en lin, et il n’est pas probable que l’usage à cet égard fût différent de celui des Égyptiens.

Pollux[1], né un siècle après Pline et en Égypte, s’exprime clairement sur le Cotonnier, dont les fils étaient employés par ses compatriotes ; mais il ne dit pas d’où l’arbuste était originaire, et l’on ne peut pas savoir si c’était le Gossypium arboreum ou l’herbaceum. On ne voit même pas si la plante était cultivée dans la basse Égypte ou si l’on recevait le coton de la région située au midi. Malgré ces doutes, on peut soupçonner qu’un cotonnier, probablement celui de la haute Égypte, s’était introduit récemment dans le Delta. L’espèce que Prosper Alpin avait vue cultivée en Égypte au XVIe siècle était le Cotonnier arborescent. Les Arabes et ensuite les Européens ont préféré et ont transporté en divers pays le Cotonnier herbacé, plutôt que l’arborescent, qui donne un moins bon produit et demande plus de chaleur.

Dans ce qui précède, au sujet des deux Cotonniers de l’ancien monde, je me suis servi le moins possible d’arguments tirés des noms grecs, tels que βυσσοϛ, σινδον, ξυλων, Οθων, etc, ou des noms sanscrits et dérivés du sanscrit, comme Carbasa, Carpas, ou des noms hébreux Schesch, Buz, qu’on attribue, avec doute, au coton. C’est un sujet sur lequel on a disserté énormément[2], mais la distinction plus nette des espèces et la découverte de leur pays d’origine diminuent beaucoup l’importance de ces questions, du moins pour les naturalistes qui préfèrent les faits aux mots. D’ailleurs, Reynier et après lui C. Ritter sont arrivés dans leurs recherches à une conclusion qu’il faut se rappeler :

  1. Pollux, Onomasticon, cité dans C. Ritter, l. c., p. 26.
  2. Reynier, Économie des Arabes et des Juifs, p, 363 ; Bertoloni, Nov. act. Acad. Bonon., 2, p. 213, et Miscell. bot., 6 ; Viviani, in Bibl. ital.. vol. 81, p. 94 ; C. Ritter, Geogr. Verbreitung der Baumwolle, in-4 ; Targioni, Cenni storici, p. 93 ; Brandis, Der Baumwolle im Altherthum, in-8, 1866.