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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES

ment rosée , avec un fond rouge . Le coton est toujours blanc .

D’après les botanistes anglo-indiens, cette espèce n’est pas dans l’Inde, comme on l’avait cru, et même elle y est rarement cultivée. Sa patrie est l’Afrique intertropicale. On l’a vue spontanée dans la Guinée supérieure, l’Abyssinie, le Sennar et la haute Égypte[1]. Un si grand nombre de collecteurs l’ont rapportée de ces divers pays qu’on ne peut guère en douter, mais la culture a tellement répandu et mêlé cette espèce avec les autres qu’on l’a décrite sous plusieurs noms, dans les ouvrages sur l’Asie méridionale.

Parlatore avait attribué au G. arboreum des échantillons asiatiques du G. herbaceum et une plante, très peu connue, que Forskal avait rencontrée en Arabie. Il soupçonnait, d’après cela, que les anciens avaient eu connaissance du G. arboreum aussi bien que du G. herbaceum, A présent qu’on distingue mieux ces deux espèces et qu’on sait l’origine de l’une et de l’autre, ce n’est pas probable. Ils ont connu le Cotonnier herbacé par l’Inde et la Perse, tandis que l’arborescent n’a pu arriver à eux que par l’Égypte. Parlatore lui-même en a fourni une preuve des plus intéressantes. Jusqu’à son travail de 1866, on ne savait pas bien à quelle espèce appartenaient les graines de Cotonnier que Rosellini a trouvées dans un vase des monuments de l’ancienne Thèbes[2]. Ces graines sont au musée de Florence. Parlatore les a examinées avec soin et déclare qu’elles appartiennent au Gossypium arboreum[3]. Rosellini affirme qu’il n’a pas pu être victime d’une fraude, attendu qu’il a ouvert, le premier, le tombeau et le vase. Après lui, aucun archéologue n’a vu ou lu des indices de Cotonniers dans les temps anciens de la civilisation égyptienne. Comment serait-il arrivé qu’une plante aussi apparente, remarquable par ses fleurs et ses graines, n’eût été ni figurée, ni décrite, ni conservée habituellement dans les tombeaux si elle était cultivée ? Comment Hérodote, Théophraste et Dioscoride n’en auraient-ils pas parlé à l’occasion de l’Égypte ? Les bandes avec lesquelles toutes les momies sont enveloppées, et qu’on supposait autrefois de coton, sont uniquement de lin, d’après Thomson et une foule d’observateurs habitués à manier le microscope. Je conclus de là que, si les graines trouvées par Rosellini étaient véritablement antiques, elles devaient être une rareté, une exception aux coutumes, peut-être le produit d’un arbre cultivé dans un jardin, ou encore elles pouvaient venir de la haute Égypte, pays où nous savons que le Cotonnier arborescent est sauvage. Pline[4] n’a pas dit que le Cotonnier fût cultivé

  1. Master, dans Oliver, Flora of tropical Africa, p. 211 ; Hooker, Fl. of brit. India, 1, p. 347 ; Schweinfurth et Ascherson, Aufzählung., p. 265 (sous le nom de Gossypium nigrum) ; Parlatore, Specie dei Cotoni, p. 25.
  2. Rosellini, Monum. della Egizia, p. 2 ; Mon. civ., 1, p. 60.
  3. Parlatore, Specie dei Cotoni, p. 16.
  4. Pline, Hist. plant., l. 19, c. 1.