Page:Alphonse de Candolle - Origine des plantes cultivées, 1883.djvu/330

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
316
PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES

Incas, et celle des Toltecs et Atztecs au Mexique ne remontent pas à l’antiquité extraordinaire des civilisations de la Chine, de la Chaldée et de l’Égypte. Elle date tout au plus des commencements de l’ère chrétienne ; mais la culture du Maïs est plus ancienne que les monuments, d’après toutes les variétés de l’espèce qui s’y trouvaient et leur dispersion dans des régions fort éloignées.

Voici une preuve plus remarquable d’ancienneté découverte par Darwin. Cet illustre savant a trouvé des épis de Maïs et 18 espèces de coquilles de notre époque enfouis dans, le terrain d’une plage du Pérou, qui est maintenant à 85 pieds au moins au-dessus de la mer[1]. Ce Maïs n’était peut-être pas cultivé, mais dans ce cas ce serait encore plus intéressant comme indication de l’origine de l’espèce.

Quoique l’Amérique ait été explorée par un grand nombre de botanistes, aucun n’a rencontré le Maïs dans les conditions d’une plante sauvage.

Auguste de Saint-Hilaire[2] avait cru reconnaître le type spontané dans une forme singulière dont chaque grain est caché en dedans de sa bâle ou bractée. On la connaît à Buenos-Ayres, sous le nom de Pinsigallo. C’est le Zea Mays tunicata de Saint-Hilaire, que Bonafous a figuré dans sa planche 5 bis, sous le nom de Zea cryptosperma, Lindley[3] en a aussi donné une description et une figure, d’après des graines venues, disait-on, des montagnes Rocheuses, origine qui n’est pas confirmée par les flores récemment publiées de Californie. Un jeune Guarany, né dans le Paraguay ou sur ses frontières, avait reconnu ce Maïs et dit à Saint-Hilaire qu’il croissait dans les forêts humides de son pays. Comme preuve d’indigénat, c’est très insuffisant. Aucun voyageur, à ma connaissance, n’a vu cette plante au Paraguay ou au Brésil. Mais, ce qui est bien intéressant, on l’a cultivée en Europe, et il a été constaté qu’elle passe fréquemment à l’état ordinaire du Maïs. Lindley l’avait observé après deux au trois années seulement de culture, et le professeur von Radic a obtenu d’un même semis 225 épis de la forme tunicata et 105 de forme ordinaire, à grains nus[4]. Évidemment cette forme, qu’on pouvait croire une véritable espèce, mais dont la patrie était cependant douteuse, est à peine une race. C’est une des innombrables variétés, plus ou moins héréditaires, dont les botanistes les plus accrédités ne font qu’une seule espèce, à cause de leur peu de fixité et des transitions qu’elles présentent fréquemment.

Sur l’état du Zea Mays et sur son habitation en Amérique,

  1. Darwin, Variations of animals and plants under domestication, 1, p. 320.
  2. A. de Saint-Hilaire, Ann. sc. nat., 16, p. 143.
  3. Lindley, Journal of the hortic. Society, 1, p. 114.
  4. Je cite ces faits d’après Wittmack, Ueber antiken Maïs aus Nord und Sud Amerika, p. 87, dans Berlin. anthropolog. Ges., 10 nov. 1879.