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MAÏS

Nous avons vu (p. 291) que le Zea des Grecs était l’Épeautre. Bien certainement les anciens n’ont pas connu le Maïs. Les voyageurs[1] qui décrivirent les premiers les productions du nouveau monde turent très surpris à sa vue, preuve évidente qu’ils ne l’avaient pas connu en Europe. Hernandez[2], parti d’Europe en 1571, suivant les uns, en 1593, suivant d’autres[3], ne savait pas qu’à Séville, dès l’année 1500, on avait reçu beaucoup de graines de Maïs pour le mettre en culture. Le fait, attesté par Fée, qui avait vu les registres de la municipalité[4], montre bien l’origine américaine, en raison de laquelle Hernandez trouvait le nom de blé de Turquie très mauvais.

On dira, peut-être, que le Maïs, nouveau pour l’Europe au XVIe siècle, existait quelque part en Asie ou en Afrique avant la découverte de l’Amérique ? Voyons ce qu’il faut en penser.

Le célèbre orientaliste d’Herbelot[5] avait accumulé plusieurs erreurs, relevées par Bonafous et moi-même, au sujet d’un passage de l’historien persan Mirkoud, du XVe siècle, sur une céréale que Rous, fils de Japhet, aurait semée sur les bords de la mer Caspienne et qui serait le Blé de Turquie des modernes. Il ne vaut pas la peine de s’arrêter à ces assertions d’un savant qui n’avait pas eu l’idée de consulter les ouvrages des botanistes de son époque ou antérieurs. Ce qui est plus important, c’est le silence absolu, au sujet du Maïs, des voyageurs qui ont visité l’Asie et l’Afrique avant la découverte de l’Amérique ; c’est aussi l’absence de nom hébreu ou sanscrit pour cette plante ; et enfin que les monuments de l’ancienne Égypte n’en présentent aucun échantillon ou dessin[6]. Rifaud, il est vrai, a trouvé une fois un épi de Maïs dans un cercueil de Thèbes, mais on croit que c’est l’effet de quelque supercherie d’Arabe. Si le Maïs avait existé dans l’ancienne Égypte, il se verrait dans tous les monuments et aurait été lié à des idées religieuses, comme les autres plantes remarquables. Une espèce aussi facile à cultiver se serait répandue dans les pays voisins. La culture n’aurait pas été abandonnée, et nous voyons, au contraire, que Prosper Alpin, visitant l’Égypte en 1592, n’en a pas parlé, et que Forskal[7], à la fin du XVIIIe siècle, mentionnait le Maïs comme encore peu cultivé en Égypte, où il n’avait pas reçu un nom distinct des Sorghos. Ebn Baithar, médecin arabe du XIIIe siècle, qui avait parcouru les pays situés entre l’Espagne et la Perse, n’indique aucune plante qu’on puisse supposer le Maïs.

  1. P. Martyr, Ercilla, Jean de Lery, etc., de 1516 à 1578.
  2. Hernandez, Thes. mexic., p. 242.
  3. Lasègue, Musée Delessert, p. 467.
  4. Fée, Souvenirs de la guerre d’Espagne, p. 128.
  5. Bibliothèque orientale, Paris, 1697, au mot Rous.
  6. Kunth, Ann. sc. nat., sér. 1, vol. 8, p. 418 ; Raspail, ibid., ; Unger, Pflanzen des alten Ægyptens ; A. Braun, Pflanzenreste ægypt Mus. in Berlin ; Wilkinson, Manners and customs of ancient Egyptians.
  7. Forskal, p. LIII.