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AVOINE ORDINAIRE ET AVOINE D’ORIENT

« le désert entre la mer Noire et la mer Caspienne », sans dire d’après quel voyageur ou quels échantillons. L’herbier de M. Boissier ne m’a révélé aucun Secale cereale spontané, mais il m’a donné la persuasion qu’un voyageur doit facilement prendre une autre espèce de Seigle pour celle-ci et que les assertions doivent être vérifiées soigneusement.

A défaut de preuves suffisantes pour des pieds spontanés j’ai fait valoir autrefois, dans ma Géographie botanique raisonnée, un argument de quelque valeur. Le Secale cereale se sème hors des cultures et devient presque spontané dans les pays de l’empire d’Autriche[1], ce qu’on ne voit guère ailleurs[2]. Ainsi dans la partie orientale de l’Europe, où l’histoire indique une culture ancienne, le Seigle trouve aujourd’hui les conditions les plus favorables pour vivre sans le secours de l’homme. On ne peut guère douter, d’après cet ensemble de faits, qu’il ne soit originaire de la région comprise entres les Alpes d’Autriche et le nord de la mer Caspienne. C’est d’autant plus probable que les cinq ou six autres espèces connues du genre Secale habitent l’Asie occidentale tempérée ou le sud-est de l’Europe.

En admettant cette origine, les peuples aryens n’auraient pas connu l’espèce, comme la linguistique le montre déjà ; mais dans leurs migrations vers l’ouest ils ont dû la rencontrer ayant des noms divers, qu’ils auraient transportés çà et là.

Avoine ordinaire et Avoine d’Orient. — Avena sativa, Linné, et Avena orientalis, Schreber.

L’Avoine n’était pas cultivée chez les anciens Égyptiens et les Hébreux, mais aujourd’hui on la sème en Égypte[3]. Elle n’a pas de nom sanscrit, ni même dans les langues modernes de l’Inde. Ce sont les Anglais qui la sèment quelquefois dans ce pays, pour en nourrir leurs chevaux[4]. La plus ancienne mention de l’Avoine en Chine est dans un ouvrage historique sur les années 618 à 907 de l’ère chrétienne ; elle s’applique à la variété appelée par les botanistes Avena sativa nuda[5]. Les anciens Grecs connaissaient bien le genre Avoine, qu’ils appelaient Bromos[6], comme les Latins l’appelaient Avena ; mais ces noms s’appliquaient ordinairement aux espèces qu’on ne cultive pas et qui sont de mauvaises herbes mélangées avec les céréales. Rien ne prouve qu’ils aient cultivé l’Avoine ordinaire. La re-

  1. Sadler, Fl. pesth., 1, p. 80 ; Host, Fl. austr., 1, p. 177 ; Baumgarten, Fl. transylv., 3, p. 225 ; Neilreich, Fl. Wien, p. 58 ; Visiani, Fl. dalmat., 1, p. 97 ; Farkas, Fl. croatica, p. 1288.
  2. M. Strobl l’a vu cependant autour de l’Etna, dans les bois, par suite de l’introduction dans la culture au XVIIIe siècle. (Œster. bot. zeit. 1881, p. 159.)
  3. Schweinfurth et Ascherson, Beiträge zur Flora Æthiopiens, p. 298.
  4. Royle, Ill., p. 419.
  5. Bretschneider, On study, etc., p. 18, 44.
  6. Fraas, Synopsis fl. class., p. 303 ; Lenz, Botanik der Alten, p. 243.