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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES

une seule. Celle-ci serait le Locular. Rien ne prouve qu’il fût habituellement cultivé chez les Grecs et les Latins. Leurs descendants ne l’emploient pas aujourd’hui[1].

Il n’a pas de nom sanscrit, ni même persan ou arabe. J’ai émis jadis l’hypothèse que le Kussemeth des Hébreux pourrait se rapporter à cette plante, mais cela me parait maintenant difficile à soutenir.

Marschall Bieberstein[2] avait indiqué le Tr. monococcum spontané, au moins sous une forme particulière, en Crimée et dans le Caucase oriental. Aucun botaniste n’a confirmé cette assertion. Steven[3], qui vivait en Crimée, déclare qu’il n’a jamais vu l’espèce autrement que cultivée par les Tartares. D’un autre côté, la plante que M. Balansa a récoltée, dans un état spontané, près du mont Sipyle, en Anatolie, est le Tr. monococcum, d’après J. Gay[4], lequel assimile à cette forme le Triticum bæoticum, Boissier, spontané dans la plaine de Béotie[5] et en Servie[6].

En admettant ces faits, le Triticum monococcum serait originaire de Servie, Grèce et Asie Mineure, et, comme on n’est pas parvenu à le croiser avec les autres Épeautres ou les froments, on a raison de l’appeler une espèce, dans le sens linnéen.

Quant à la séparation des froments à grains libres et des Épeautres, elle serait antérieure aux données historiques et peut-être aux commencements de toute agriculture. Les froments se seraient montrés les premiers, en Asie ; les Épeautres ensuite, plutôt dans l’Europe orientale et l’Anatolie. Enfin, parmi les Épeautres, le Tr. monococcum serait la forme la plus ancienne, dont les autres se seraient éloignées, à la suite de plusieurs milliers d’années de culture et de sélection.

Orge à deux rangs. — Hordeum distichon, Linné.

Les Orges sont au nombre des plus anciennes plantes cultivées. Comme elles ont à peu près la même manière de vivre et les mêmes emplois, il ne faut pas s’attendre à trouver chez les auteurs de l’antiquité et dans les langues vulgaires la précision qui permet de reconnaître les espèces admises par les botanistes. Dans beaucoup de cas, le nom Orge a été pris dans un sens vague

  1. Heldreich, Nutzpflanzen d. Grichenlands.
  2. M. Bieberstein, Flora tauro-caucasica, vol. 1, p. 85.
  3. Steven, Verzeichniss taur. Halbinseln Pflanzen, p. 354.
  4. Bull. Soc. bot. de France, 1860, p. 30.
  5. Boissier, Diagnoses, série l, vol. 2, fasc. 13, p. 69.
  6. Balansa, 1854, n. 137, dans l’Herbier Boissier, où l’on voit aussi un échantillon trouvé dans les champs en Servie et une variété à barbes brunes envoyée par M. Pancic, croissant dans les prés de Servie. Le même botaniste de Belgrade vient de m’envoyer des échantillons spontanés de Servie que je ne saurais distinguer du Tr. monococcum. Il me certifie qu’on ne cultive pas celui-ci en Servie. M. Bentham m’écrit que le Tr. bæoticum, dont il a vu plusieurs échantillons d’Asie Mineure, est, selon lui, la monococcum.