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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES

Olivier. La région de l’Euphrate étant à peu près au milieu de la zone de culture qui s’étendait autrefois de la Chine aux îles Canaries, il est infiniment probable qu’elle a été le point principal de l’habitation dans des temps préhistoriques très anciens. Peut-être cette habitation s’étendait-elle vers la Syrie, vu la ressemblance du climat ; mais à l’est et à l’ouest de l’Asie occidentale le blé n’a probablement jamais été que cultivé, antérieurement, il est vrai, à toute civilisation connue.

II. Gros blé, Petanielle ou Poulard. — Triticum turgidum et Tr. compositum, Linné.

Parmi les noms vulgaires, très nombreux, des formes de cette catégorie, on remarque celui de Blé d’Égypte, Il paraît qu’on le cultive beaucoup actuellement dans ce pays et dans toute la région du Nil. A.-P. de Candolle[1] dit avoir reconnu ce blé parmi des graines tirées des cercueils de momies anciennes, mais il n’avait pas vu les épis. Unger[2] pense qu’il était cultivé par les anciens Égyptiens et n’en donne cependant aucune preuve basée sur des dessins ou des échantillons retrouvés. Le fait qu’on n’a pu attribuer à cette espèce aucun nom hébreu ou araméen[3] me paraît significatif. Il prouve au moins que les formes si étonnantes, à épis rameux, appelées communément Blé de miracle, Blé d’abondance, n’existaient pas encore dans les temps anciens, car elles n’auraient pas échappé à la connaissance des Israélites. On ne connaît pas davantage un nom sanscrit ou même des noms indiens modernes, et je ne découvre aucun nom persan. Les noms arabes que Delile[4] attribue à l’espèce concernent peut-être d’autres formes de blé. Il n’existe pas de nom berbère[5]. De cet ensemble il me paraît découler que les plantes réunies sous le nom de Triticum turgidum, et surtout leurs variétés à épis rameux, ne sont pas anciennes dans l’Afrique septentrionale ou dans l’Asie occidentale.

M. Oswald Heer[6], dans son mémoire si curieux sur les plantes des lacustres de l’âge de pierre en Suisse, attribue au Tr. turgidum deux épis non ramifiés, l’un à barbes, l’autre à peu près sans barbes, dont il a publié des figures. Plus tard, dans une exploration des palafittes de Robenhausen, M. Messicommer ne l’a pas rencontré, quoique les provisions de grains y fussent très abondantes[7]. MM. Strœbel et Pigorini disent avoir trouvé « le blé à grano grosso duro » (Tr. turgidum) dans les palafittes

  1. De Candolle, Physiol. bot., 2, p. 696.
  2. Unger, die Pflanzen d. alten Ægyptens, p. 31.
  3. Voir Rosenmüller, Bibl. Naturgesch., et Löw, Aramæische Pflanzennamen, 1881.
  4. Delile, Plantes cult. en Égypte, p. 3 ; Floræ Ægypt. illustr., p. 5.
  5. Dict français-berbère, publié par le gouvernement.
  6. Heer, Pflanzen d. Pfahbauten, p. 5, fig. 4 ; p. 52, fig. 20.
  7. Messicommer, dans Flora, 1869, p. 320.