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SARRASIN OU BLÉ NOIR

Les plus anciens voyageurs à Madagascar avaient remarqué cette Légumineuse annuelle, que les habitants cultivent pour en manger le fruit ou les graines, comme des pois, haricots, etc. Elle ressemble à l’Arachide, en particulier par la circonstance que le support de la fleur se recourbe et enfonce le jeune fruit ou légume dans le sol. La culture en est répandue dans les jardins, surtout de l’Afrique tropicale, et moins communément de l’Asie méridionale[1]. Il ne semble pas qu’on la pratique beaucoup en Amérique[2], si ce n’est au Brésil, où elle se nomme Mandubi d’Angola[3].

Les anciens auteurs sur l’Asie ne la mentionnent pas. C’est donc en Afrique qu’il faut chercher l’origine. Loureiro[4] l’avait vue sur la côte orientale de ce continent et du Petit-Thouars à Madagascar, mais ils ne disent pas qu’elle y fût spontanée. Les auteurs de la flore de Sénégambie[5] l’ont décrite comme cultivée et « probablement spontanée » dans le pays de Galam. Enfin MM. Schweinfurth et Ascherson[6] l’ont trouvée à l’état sauvage, au bord du Nil, de Chartum à Gondokoro. Malgré la possibilité d’une naturalisation par suite de la culture, il est extrêmement probable que la plante est spontanée dans l’Afrique intertropicale.

Sarrasin ou blé noir. — Polygonum Fagopyrum, Linné. — Fagopyrum esculentum, Moench.

L’histoire de cette espèce est devenue très claire depuis quelques années.

Elle croît naturellement en Mandschourie, sur les bords du fleuve Amour[7] dans la Daourie et près du lac Baïkal[8]. On l’indique aussi en Chine et dans les montagnes de l’Inde septentrionale[9], mais je ne vois pas que la qualité de plante sauvage y soit certaine. Roxburgh ne l’avait vue dans le nord de l’Inde qu’à l’état cultivé, et le Dr  Bretschneider[10] regarde l’indigénat comme douteux pour la Chine. La culture n’y est pas ancienne, car le premier auteur qui en a parlé écrivait dans la période du Xe au XIIe siècle de l’ère chrétienne.

Dans l’Himalaya, on cultive le Sarrasin, sous les noms de Ogal

  1. Sir J. Hooker, Flora of brit. India, 2 p. 205 ; Miquel, Flora indobatava, 1 p. 175.
  2. Linné fils, Decad., 2, pl. 19, paraît avoir confondu l’espèce avec l’Arachis, et il indique, à cause de cela peut-être, le Voandzeia comme cultivé de son temps à Surinam. Les auteurs actuels sur l’Amérique ne l’ont pas vu ou ont négligé d’en parler.
  3. Gardener’s Chronicle, 4 sept. 1880.
  4. Loureiro, Flora cochinch., 2, p. 523.
  5. Guillemin, Perrottet, Richard, Floræ Senegambiæ tentamen, p. 254.
  6. Aufzählung, p. 259.
  7. Maximovicz, Primitiæ fl. amur., p. 236.
  8. Ledebour, Fl. ross., 3, p. 517.
  9. Meissner, dans Prodr., 14, p. 143.
  10. Bretschneider, On study, etc., p. 9.