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LINGUISTIQUE

qui cultivaient déjà certaines plantes. L’agriculture est plus ancienne dans cette région que Babylone et les premières dynasties égyptiennes, lesquelles datent de plus de quatre mille ans. Les empires assyriens et égyptiens se sont ensuite disputé la suprématie, et dans leurs luttes ils ont transporté des populations, ce qui ne pouvait manquer de répandre les espèces cultivées. D’un autre côté, les peuples aryens, qui habitaient primitivement au nord de la Mésopotamie, dans une contrée moins favorable à l’agriculture, se sont répandus à l’ouest et au midi, refoulant ou subjuguant les nations touraniennes et dravidiennes. Leur langue, et surtout celles qui en sont dérivées en Europe et dans l’Inde, montrent qu’ils ont connu et transporté plusieurs espèces utiles[1]. Après ces anciens événements, dont les dates sont généralement incertaines, les voyages par mer des Phéniciens, les guerres entre les Grecs et les Perses, l’expédition d’Alexandre jusque dans l’Inde, et finalement la domination romaine ont achevé de répandre les cultures dans l’intérieur de l’Asie occidentale et même de les introduire en Europe et dans le nord de l’Afrique, partout où le climat pouvait leur être favorable. Plus tard, à l’époque des croisades, il restait bien peu de plantes utiles à tirer de l’Orient. Il est arrivé alors en Europe quelques variétés d’arbres fruitiers que les Romains ne possédaient pas et des plantes d’ornement.

La découverte de l’Amérique, en 1492, a été le dernier grand événement qui a permis de répandre les plantes cultivées dans tous les pays. Ce sont d’abord les espèces américaines, comme la pomme de terre, le maïs, la figue d’Inde, le tabac, etc., qui ont été apportées en Europe et en Asie. Ensuite une foule d’espèces de l’ancien monde ont été introduites en Amérique. Le voyage de Magellan (1520-21) fut la première communication directe entre l’Amérique méridionale et l’Asie. Dans le même siècle, la traite des nègres vint multiplier les rapports entre l’Afrique et l’Amérique. Enfin la découverte des îles de la mer Pacifique au XVIIIe siècle, et la facilité croissante des moyens de communication, combinée avec un désir général d’améliorer, ont produit la dispersion plus générale des plantes utiles dont nous sommes aujourd’hui les témoins.

§ 5. — Linguistique.

Les noms vulgaires de plantes cultivées sont ordinairement très connus et peuvent donner des indications sur l’histoire.

  1. Il existe, en langue française, deux excellents résumés des connaissances actuelles sur l’Orient et l’Égypte. Je ne saurais trop les recommander aux< naturalistes qui ne se sont pas occupés spécialement de ces questions. L’un de ces ouvrages est le Manuel de l’histoire ancienne de l’Orient, par François Lenormand, 3 vol. in-12, Paris, 1869. L’autre est l’Histoire ancienne des peuples de l’Orient, par Maspero, un vol. in-8, Paris, 1878.