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HARICOT COMMUN

Crescenzio[1] et Macer Floridus[2]. Au contraire, après la découverte de l’Amérique, dès le XVIe siècle, tous les auteurs publient des figures et des descriptions du Phaseolus vulgaris, avec une infinité de variétés.

Il est douteux que sa culture soit très ancienne dans l’Afrique tropicale. Elle y est indiquée moins souvent que celle d’autres espèces des genres Dolichos et Phaseolus.

Personne ne songeait à chercher l’origine du Haricot commun en Amérique, lorsque tout récemment des découvertes singulières ont été faites de fruits et de graines dans les tombeaux péruviens d’Ancon, près de Lima. M. de Rochebrune[3] a publié une liste des espèces de diverses familles d’après une collection de MM. de Gessac et L. Savatier. Dans le nombre se trouvent trois Haricots, dont aucun, selon l’auteur, n’est le Phaseolus vulgaris ; mais M. Wittmack[4], qui a étudié les Légumineuses rapportées de ces mêmes tombeaux par les voyageurs Reiss et Stubel, dit avoir constaté la présence de plusieurs variétés du Haricot commun, parmi d’autres graines appartenant au Phaseolus lunatus Linné. Il les a identifiées avec les variétés du Ph. vulgaris appelées par les botanistes oblongus purpureus (Martens), ellipticus præcox (Alefeld) et ellipticus atrofuscus (Alefeld), qui sont de la catégorie des Haricots nains ou sans rames.

Il n’est pas certain que les sépultures en question soient toutes antérieures à l’arrivée des Espagnols. L’ouvrage de MM. Reiss et Stubel, actuellement sous presse, donnera peut-être des explications à cet égard ; mais M. Wittmack admet, d’après eux, qu’une partie des tombeaux n’est pas ancienne. Je suis frappé cependant d’un fait qui n’a pas été remarqué. Les cinquante espèces de la liste de M. Rochebrune sont toutes américaines. Je n’en vois pas une seule qu’on puisse soupçonner d’origine européenne. Évidemment, ou ces plantes et graines ont été déposées avant la conquête, ou dans certains tombeaux, qui sont peut-être d’une époque subséquente, les habitants ont eu soin de ne pas mettre des espèces d’origine étrangère. C’était assez naturel, selon leurs idées, puisque l’usage de ces dépôts de plantes n’est pas venu de la religion catholique, mais remonte aux coutumes et opinions des indigènes. La présence du Haricot commun parmi ces plantes uniquement américaines me parait donc significative, quelle que soit la date des tombeaux.

On peut objecter que des graines sont insuffisantes pour déterminer l’espèce d’un Phaseolus, et qu’on cultivait dans l’Amé-

  1. P. Crescens, traduction française de 1539.
  2. Macer Floridus, éd. 1485, et commentaire par Choulant, 1832.
  3. De Rochebrune, Actes de la Société linnéenne de Bordeaux, vol. 33, janvier 1880, dont j’ai vu l’analyse dans Botanisches Centralblatt, 1880, p. 1633.
  4. Wittmack, Sitzungsbericht des bot. Vereins Brandenburg, 19 déc. 1879, et lettre particulière de lui.