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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES

tituent les deux races actuelles principales du Haricot commun, avec une immense quantité de sous-races quant aux gousses et aux graines. Je me contenterai de dire : C’est probable.

Si le Haricot commun est arrivé jadis en Grèce, il n’a pas été une des premières introductions, car le Faseolus n’était pas encore à Rome du temps de Caton, et c’est seulement au commencement de l’empire que les auteurs latins en ont parlé. M. Virchow a rapporté des fouilles faites à Troie plusieurs graines de Légumineuses, que M. Wittmack[1] certifie être les espèces suivantes : Fève (Faba vulgaris), Pois des jardins (Pisum sativum), Ers (Ervum Ervilia et peut-être Jarosse ? (Lathyrus Cicera), mais aucun Haricot. De même, dans les habitations des anciens lacustres de Suisse, Savoie, Autriche et Italie, on n’a pas encore trouvé le Haricot.

Il n’y a pas non plus de preuves ou d’indices de son existence dans l’ancienne Égypte. On ne connaît pas de nom hébreu répondant à ceux de Dolichos ou Phaseolus des botanistes. Un nom moins ancien, car il est arabe, Loubia, se trouve en Égypte, pour le Dolichos Lubia, et en hindoustani, sous la forme Loba, pour le Phaseolus vulgaris[2]. Quant à cette dernière espèce, Piddington n’indique dans les langues modernes de l’Inde que deux noms, tous deux hindoustanis, Loba et Bakla. Ceci, joint à l’absence de nom sanscrit, fait présumer une introduction peu ancienne dans l’Asie méridionale. Les auteurs chinois ne mentionnent pas le Haricot commun (Ph. vulgaris)[3], nouvel indice d’une introduction peu ancienne dans l’Inde, et aussi en Bactriane, d’où les Chinois ont tiré des légumes dès le IIe siècle avant notre ère.

Toutes ces circonstances me font douter que l’espèce ait été connue en Asie avant l’ère chrétienne. L’argument des noms grec moderne et italien pour le Haricot, conformes à Fasiolos, a besoin d’être appuyé de quelque manière. On peut dire en sa faveur qu’il a été employé dans le moyen âge, probablement pour le Haricot commun. Dans la liste des légumes que Charlemagne ordonnait de semer dans ses fermes, on trouve le Fasiolum[4], sans explication. Albert le Grand décrit sous le nom de Faseolus une Légumineuse qui parait être le Haricot nain de notre époque[5]. Je remarque d’un autre côté que des auteurs du XVe siècle ne parlent d’aucun Faseolus ou nom analogue. C’est le cas de Pierre

  1. Wittmack, Bot. Vereins Brandenb., 19 déc. 1879.
  2. Delile, Plantes cultivées en Égypte, p. 14 ; Piddington, Index.
  3. BretschDeider n’en fait mention ni dans son opuscule On study, etc. ni dans les lettres qu’il m’a adressées.
  4. E. Meyer, Geschichte der Botanik, 3, p. 404.
  5. « Faseolus est species leguminis et grani, guod est in guantitate parum minus quam Faba, et in figura est columnare sicut faba, et herba ejus minor est aliquantulum quam herba Fabæ. Et sunt faseoli multorum colorum, sed quodlibet granorum habet maculam nigram in loco cotyledonis. » (Jessen, Alberti Magni, De vegetabilibus, ed. critica, p. 515.)