Page:Alphonse de Candolle - Origine des plantes cultivées, 1883.djvu/279

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
265
SOJA

dans l’Inde, elle se serait propagée vers l’ouest, en Syrie et en Égypte, ce qui n’est pas arrivé.

Kaempfer[1] avait publié jadis une excellente figure du Soja, et on le semait depuis un siècle dans les jardins botaniques d’Europe, lorsque des renseignements plus nombreux sur la Chine et le Japon suscitèrent, il y a une dizaine d’années, un zèle extraordinaire pour l’introduire dans nos pays. C’est surtout dans l’Autriche-Hongrie et en France que des essais ont été faits en grand et qu’on les a résumés dans des ouvrages très dignes d’être consultés[2]. Faisons des vœux pour que le succès réponde à ces efforts, mais nous ne devons pas nous écarter du but de nos recherches. Occupons-nous donc ici de l’origine probable de l’espèce.

Linné a dit dans son Species : « Habitat in India ; » après quoi il renvoie à Kæmpfer, qui a parlé des plantes du Japon, et à sa propre flore de Ceylan, où l’on voit que la plante était cultivée dans cette île. La flore moderne de Ceylan, par Thwaites, n’en fait aucune mention. Évidemment il faut avancer vers l’Asie orientale pour trouver l’origine à la fois de la culture et de l’espèce. Loureiro dit qu’elle habite en Cochinchine et qu’on la cultive souvent en Chine[3]. Je ne vois pas de preuve qu’on l’ait trouvée sauvage dans ce dernier pays, mais on l’y découvrira peut-être, vu l’ancienneté de la culture. Les botanistes russes[4] ne l’ont rencontrée dans le nord de la Chine et vers le fleuve Amour qu’à l’état de plante cultivée. Elle est certainement spontanée au Japon[5]. Enfin, Junghuhn[6] l’a récoltée à Java sur le mont Gunung-Gamping, et l’on rapporte à la même espèce une plante envoyée aussi de Java par Zollinger, sans qu’on sache si elle était vraiment spontanée[7]. Un nom malais, Kadelee[8], tout à fait différent des noms vulgaires japonais et chinois, appuie l’indigénat à Java.

En résumé, d’après les faits connus et les probabilités historiques et linguistiques, le Soja était spontané de la Cochinchine au Japon méridional et à Java lorsque d’anciens habitants, à une époque très reculée, se sont mis à le cultiver, à l’employer de différentes manières pour leur nourriture, et en ont obtenu des variétés, dont le nombre est remarquable, surtout au Japon.

  1. Kæmpfer, Amœn. exot., p. 837, pi. 838.
  2. Haberlandt, Die Sojabohne, in-8o, Vienne, 1878, extrait en français par M. Pailleux, l. c.
  3. Loureiro, Fl. coch., 2. p. 538.
  4. Bunge, Enum. plant. Chin., n° 118 ; Maximowicz, Primitiæ fl. Amur., p. 87.
  5. Miquel, Prolusio, dans Ann. Mus. Lugd.-Bat., 3, p. 52 ; Franchet et Savatier, Enum. plant. Jap., 1, p. 108.
  6. Junghuhn. Plantæ Jungh., p. 255.
  7. Le Soja angustifolia, Miquel ; voir Hooker, Fl. brit. Ind., 2, p. 184.
  8. Rumphius, l. c.