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POIS DES JARDINS

sume qu’il est sorti. L’indication de Bieberstein pour la Crimée n’est pas exacte, selon Steven, qui a résidé dans le pays[1]. Peut-être les botanistes ont passé à côté de son habitation. Peut-être la plante a disparu de son lieu d’origine. Peut-être encore elle n’est qu’une modification du Pisum arvense, obtenue dans les cultures. Cette dernière opinion était celle d’Alefeld[2], mais ce qu’il a publié est si bref qu’on ne peut rien en conclure. Cela se borne à dire qu’ayant cultivé un grand nombre de formes de pois des champs et des jardins, il a jugé qu’elles appartiennent à la même espèce. Darwin[3] avait appris, par un intermédiaire, que André Knight avait croisé le Pois des champs avec un Pois de jardin appelé Pois de Prusse, et que les produits avaient paru complètement fertiles. Ce serait bien une preuve de l’unité spécifique, mais il faudrait pourtant plus d’observations et plus d’expériences. Provisoirement, dans cette recherche des origines géographiques, je suis obligé de considérer les deux formes séparément, et dans ce but j’examinerai la question du Pisum sativum des jardins.

Les botanistes, qui distinguent beaucoup d’espèces dans le genre Pisum, en admettent huit, qui sont toutes d’Europe ou d’Asie.

Le Pisum sativum était cultivé chez les Grecs, du temps de Théophraste[4]. Ils l’appelaient Pisos ou Pison. Les Albanais, descendants des Pelasges, l’appellent Pizelle[5]. Les Latins disaient Pisum[6]. Cette uniformité de nomenclature fait supposer que les Aryens arrivés en Grèce et en Italie connaissaient là plante et l’avaient peut-être apportée avec eux. Les autres langues d’origine aryenne présentent plusieurs mots pour le sens générique de Pois ; mais il est évident, d’après la savante dissertation d’Adolphe Pictet[7] qu’on ne saurait appliquer aucun de ces noms au Pisum sativum en particulier. Même quand une des langues modernes, slave ou bretonne, a limité le sens au Pois des jardins, il est très possible que jadis, à l’origine de ces langues, le mot ait signifié Pois des champs ou Lentille ou quelque autre Légumineuse.

On a retrouvé le petit Pois[8] dans les restes des habitations lacustres de l’âge de bronze, en Suisse et en Savoie. La graine est sphérique, en quoi l’espèce diffère du Pisum arvense. Elle est plus petite que celle de nos Pois actuels. M. Heer dit l’avoir

  1. Steven, Verzeichniss, p. 134.
  2. Alefeld, Botanische Zeitung, 1860, p. 204.
  3. Darwin, Variations of animais and plants under domestication, p. 326.
  4. Theophrastes, Hist., l. 8, c. 3, 5.
  5. Heldreich, Nutzpflanzen Griechenlands, p. 71.
  6. Pline, Hist., l. 18, c. 7, 12. Il s’agit bien du Pisum sativum, car l’auteur dit qu’il supporte très mal le froid.
  7. Ad. Pictet, Les origines indo-européennes, éd. 2, vol. 1, p. 359.
  8. Heer, Pflanzen der Pfahlbauten, 23, fig. 48 ; Perrin, Études préhistoriq. sur la Savoie, p. 22.