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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES

la forme Hammez[1], il n’est pas probable que le Ketsech des Juifs fut la même plante. Ces détails me font soupçonner que l’espèce était inconnue aux anciens Égyptiens et Israélites. Elle s’est peut-être répandue chez eux de Grèce ou d’Italie, vers le commencement de notre ère.

L’introduction a été plus ancienne dans l’Inde, car on connaît un nom sanscrit et plusieurs noms, analogues ou différents, dans les langues modernes[2]. Bretschneider ne mentionne pas l’espèce en Chine.

Je ne connais aucune preuve de l’ancienneté de la culture en Espagne ; cependant le nom castillan Garbanzo, usité aussi par les Basques sous la forme Garbantzua et en français sous celle de Garvance, n’étant ni latin ni arabe, peut remonter à une date plus ancienne que la conquête romaine.

Les données botaniques, historiques et linguistiques s’accordent à faire présumer une habitation antérieure à la culture dans les pays au midi du Caucase et au nord de la Perse. Les Aryens occidentaux (Pélasges, Hellènes) ont peut-être introduit la plante dans l’Europe méridionale, où cependant il y a quelque probabilité qu’elle était également indigène. Les Aryens orientaux l’ont portée dans l’Inde. La patrie s’étendait peut-être de la Perse à la Grèce, et maintenant l’espèce n’existe plus que dans les terrains cultivés, où l’on ne sait pas si elle provient de pieds originairement sauvages ou de pieds cultivés.

Lupin. — Lupinus albus, Linné.

Les anciens Grecs et Romains cultivaient cette Légumineuse pour l’enfouir, comme engrais vert, et à cause des graines, qui sont bonnes pour nourrir les bœufs et dont l’homme fait aussi usage. Les expressions de Théophraste, Dioscoride, Caton, Varron, Pline, etc., citées par les modernes, se rapportent à la culture ou aux propriétés médicales des graines et n’indiquent pas s’il s’agissait du Lupin à fleurs blanches (L. albus) ou de celui à fleurs bleues (L. hirsutus, qui croît spontanément dans le midi de l’Europe. D’après Fraas[3] ce dernier est cultivé aujourd’hui dans la Morée ; mais M. de Heldreich[4] dit que dans l’Attique c’est le L. albus. Comme en Italie on cultive depuis longtemps celui-ci, il est probable que c’est le Lupin des anciens. On le cultivait beaucoup dans le XVIe siècle, surtout en Italie[5], et de l’Ecluse constate l’espèce, car il la nomme Lupinus sativus albo flore[6]. L’ancienneté de la culture en Espagne est indiquée par

  1. Rauwolf, Fl. orient., n. 220 ; Forskal, Fl. ægypt., p. 81 ; Dictionnaire français-berbère.
  2. Roxburgh, Fl. ind., 3, p. 324 ; Piddington, Index.
  3. Voir Fraas, Fl. class., p. 51 ; Lenz, Bot. der Alten, p. 73.
  4. Heldreich, Nutzpflanzen Griechenl., p. 69.
  5. Olivier de Serres, Théâtre de l’agric., éd. 1529, p. 88.
  6. Clusius, Historia plant., 2, p. 238.