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HISTOIRE

culture d’une espèce dans un pays avec celui de son habitation antérieure, à l’état sauvage. On a dit communément, — même de nos jours — d’une espèce cultivée en Amérique ou en Chine qu’elle habite l’Amérique ou la Chine. Une erreur non moins fréquente a été de croire une espèce originaire d’un pays, parce qu’on l’a reçue de là et non du pays véritablement de son origine. Ainsi les Grecs et les Romains ont appelé pomme de Perse la pèche, qu’ils avaient vue cultivée en Perse, qui n’y était probablement pas sauvage et que j’ai prouvée naguère être originaire de Chine. Ils ont appelé pomme de Carthage (Malum punicum) la grenade, qui s’était répandue progressivement dans les jardins, de Perse en Mauritanie. A plus forte raison, les très anciens auteurs, tels que Bérose et Hérodote, ont pu se tromper, malgré leur désir d’être exacts.

Nous verrons, à l’occasion du maïs, que des pièces historiques entièrement forgées, peuvent tromper sur l’origine d’une espèce. C’est singulier, car pour un fait de culture il semble que personne n’a intérêt à mentir. Heureusement les indices botaniques ou archéologiques aident à faire présumer les erreurs de cette nature.

La principale difficulté — celle qui se présente ordinairement pour les anciens historiens — est de traduire exactement les noms des plantes qui, dans leurs livres, sont toujours des noms vulgaires. Je parlerai bientôt de la valeur de ces noms et des ressources de la linguistique dans les questions qui nous occupent ; mais il faut indiquer auparavant quelles notions historiques sont le plus utiles dans l’étude des plantes cultivées.

L’agriculture est sortie anciennement, du moins en ce qui concerne les principales espèces, de trois grandes régions où croissaient certaines plantes et qui n’avaient aucune communication les unes avec les autres. Ce sont : la Chine, le sud-ouest de l’Asie (lié avec l’Égypte) et l’Amérique intertropicale. Je ne veux pas dire qu’en Europe, en Afrique ou ailleurs des peuples sauvages n’aient cultivé quelques espèces, à une époque reculée, d’une manière locale, comme accessoires de la chasse ou de la pêche ; mais les grandes civilisations, basées sur l’agriculture, ont commencé dans les trois régions que je viens d’indiquer. Chose digne de remarque, dans l’ancien monde, c’est sur le bord des fleuves que les populations agricoles se sont surtout constituées, tandis qu’en Amérique c’est sur les plateaux du Mexique et du Pérou . Il faut peut-être l’attribuer à la situation primitive des plantes bonnes à cultiver, car les rives du Mississipi, de l’Orénoque et de l’Amazone ne sont pas plus malsaines que celles des fleuves de l’ancien monde.

Quelques mots sur chacune des trois régions.

La Chine avait depuis des milliers d’années une agriculture et même une horticulture florissantes lorsqu’elle est entrée, pour la première fois, en communication avec l’Asie occiden-