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ANANAS

apporté un fruit d’Ananas à Charles-Quint, qui s’en défia et ne voulut pas le goûter.

Les ouvrages des Grecs, des Romains et des Arabes ne font aucune allusion à cette espèce, introduite évidemment dans l’ancien monde depuis la découverte de l’Amérique. Rheede[1], au XVIIe siècle, en était persuadé ; mais ensuite Rumphius[2] a contesté, parce que, disait-il, l’Ananas était cultivé de son temps dans toutes les parties de l’Inde, et qu’on en trouvait de sauvages aux Célèbes et ailleurs. Il remarque cependant l’absence de nom asiatique. Celui indiqué par Rheede au Malabar est tiré évidemment d’une comparaison avec le fruit du Jacquier et n’a rien d’original. C’est sans doute par erreur que Piddington attribue un nom sanscrit à l’Ananas, car ce nom même, Anarush, paraît venir d’Ananas. Roxburgh n’en connaissait point, et le dictionnaire de Wilson ne mentionne pas le nom d’Anarush. Royle[3] dit que l’Ananas a été introduit dans le Bengale en 1594. D’après Kircher[4], les Chinois le cultivaient dans le XVIIe siècle, mais on pensait qu’il leur avait été apporté du Pérou.

Clusius[5], en 1599, avait vu des feuilles d’Ananas apportées de la côte de Guinée. Cela peut s’expliquer par une introduction depuis la découverte de l’Amérique. Robert Brown parle de l’Ananas à l’occasion des plantes cultivées du Congo, mais il regarde l’espèce comme américaine.

Quoique l’Ananas cultivé ait ordinairement point ou peu de graines, il se naturalise quelquefois dans les pays chauds. On en cite des exemples aux îles Maurice, Seychelles et Rodriguez[6], dans l’archipel indien, dans l’Inde[7] et dans quelques parties de l’Amérique où probablement il n’était pas indigène, par exemple aux Antilles.

On l’a trouvé sauvage dans les terres chaudes du Mexique (si l’on peut se fier à la phrase d’Hernandez), dans la province de Veraguas[8], près de Panama, dans la vallée du Haut-Orénoque[9], à la Guyane[10] et dans la province de Bahia[11]

  1. Rheede, Hort. malab., 11, p. 6.
  2. Rumphius, Amboin., 5, p. 228.
  3. Royle, Ill., p. 376.
  4. Kircher, Chine illustrée, trad. de 1670, p. 253.
  5. Clusius, Exotic., cap. 44.
  6. Baker, Flora of Mauritius.
  7. Royle, l. c.
  8. Seemann, Bot. of Herald, p. 215.
  9. Humboldt, Nouv.-Esp. ; 2e édit., 2, p. 478.
  10. Gardener’s chron., 1881, vol. 1, p. 657.
  11. Martius, lettre à A. de Candolle, Géogr. bot. rais., p. 927.