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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS

l’époque actuelle, dans des contrées de l’Amérique très séparées des établissements européens, il m’est difficile d’admettre que depuis trois siècles des peuplades soient restées absolument isolées et n’aient pas reçu un arbre aussi utile, par l’intermédiaire des pays colonisés.

En résumé, voici ce qui me parait le plus probable : une introduction faite de bonne heure par les Espagnols et les Portugais à Saint-Domingue et au Brésil, ce qui suppose, j’en conviens, une erreur de Garcilasso quant aux traditions des Péruviens. Si cependant des recherches ultérieures venaient à prouver que le Bananier existait dans quelques parties de l’Amérique avant la découverte par les Européens, je croirais à une introduction fortuite, pas très ancienne, par l’effet d’une communication inconnue avec les îles de la mer Pacifique ou avec la côte de Guinée, plutôt qu’à l’existence primitive et simultanée du Bananier dans les deux mondes. La géographie botanique tout entière rend cette dernière hypothèse improbable, je dirai presque impossible à admettre, surtout dans un genre non partagé entre les deux mondes.

Enfin, pour terminer ce que j’ai à dire du Bananier, je remarquerai combien la distribution des variétés est favorable à l’opinion de l’espèce unique, adoptée, dans des vues de botanique pure, par Roxburgh, Desvaux et R. Brown. S’il existait deux ou trois espèces, probablement l’une serait représentée par les variétés qu’on a soupçonnées originaires de l’Amérique ; une autre serait sortie, par exemple, de l’archipel indien ou de la Chine, et la troisième de l’Inde. Au contraire, toutes les variétés sont géographiquement mélangées. En particulier, les deux qui sont le plus répandues en Amérique diffèrent sensiblement l’une de l’autre et se confondent chacune avec des variétés asiatiques, ou s’en rapprochent beaucoup.

Ananas. — Ananassa sativa, Lindley. — Bromelia Ananas, Linné.

Malgré les doutes énoncés par quelques auteurs l’Ananas doit être une plante d’Amérique, introduite de bonne heure, par les Européens, en Asie et en Afrique.

Nana était le nom brésilien[1], d’où les Portugais avaient fait Ananas. Les Espagnols avaient imaginé le nom de Pinas, à cause de l’analogie de forme avec le cône du Pin pignon[2]. Tous les premiers écrivains sur l’Amérique en parlent[3]. Hernandez dit que l’Ananas habite les endroits chauds de Haïti et du Mexique. Il mentionne un nom mexicain, Matzatli, On avait

  1. Marcgraf, Brasil., p. 33.
  2. Oviedo, trad. de Ramusio, 3, p. 113 ; Jos. Acosta, Hist. nat. des Indes, trad. franc., p. 166.
  3. Thevet, Pison, etc. ; Hernandez, Thes, p. 341.