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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS

spontanée en Cochinchine. Blanco indique aussi un Bananier sauvage aux Philippines[1], mais sa description est insuffisante. Finlayson[2] a trouvé le Bananier sauvage, en abondance, dans la petite île de Pulo Ubi, à l’extrémité sud du pays de Siam. Thwaites[3] a vu la forme du M. sapientum dans les forêts rocailleuses du centre de l’île de Ceylan et n’hésite pas à dire que c’est la souche des Bananiers cultivés. Sir J. Hooker et Thomson[4] l’ont trouvé sauvage à Khasia.

En Amérique, les faits sont tout autres. On n’y a jamais vu le Bananier sauvage, excepté à la Barbade[5], mais là c’est un arbre qui ne mûrit pas ses fruits et qui est par conséquent, selon les probabilités, le résultat de variétés cultivées peu abondantes en semences. Le Wild plantain de Sloane[6] paraît une plante très différente des Musa. Les variétés qu’on prétend pouvoir être indigènes en Amérique sont au nombre de deux seulement, et en général on y cultive infiniment moins de variétés qu’en Asie. La culture du Bananier est, on peut dire, récente ans une grande partie de l’Amérique, car elle ne remonte guère à plus de trois siècles. Piso[7] dit positivement que la plante a été importée au Brésil et n’avait pas de nom brésilien. Il ne dit pas d’où elle venait. Nous avons vu que, d’après Oviedo, l’espèce a été apportée des Canaries à Saint-Domingue. Ceci, joint au silence de Hernandez, généralement si exact pour les plantes utiles, spontanées ou cultivées, du Mexique, me persuade que le Bananier manquait lors de la découverte de l’Amérique à toute la partie orientale de ce continent.

Existait-il dans la partie occidentale, sur les bords de la mer Pacifique ? C’est très invraisemblable quand on pense aux communications qui existaient entre les deux côtes, vers l’isthme de Panama, et à l’activité avec laquelle les indigènes avaient répandu dans toute l’Amérique les plantes utiles, comme le manioc, le maïs, la pomme de terre, avant l’arrivée des Européens. Le Bananier, dont ils font tant de cas depuis trois siècles, qui se multiplie si aisément par les drageons, qui a une apparence si frappante pour le vulgaire, n’aurait pas été oublié dans quelques villages au milieu des forêts ou sur le littoral.

Je conviens que l’opinion de Garcilasso, descendant des Incas, auteur qui a vécu de 1530 à 1568, est d’une certaine importance lorsqu’il dit que les indigènes connaissaient le Bananier avant la conquête. Écoutons cependant un autre écrivain très digne d’attention, Joseph Acosta, qui avait été au Pérou et que M. de

  1. Blanco, Fl., 1re édit., p. 247.
  2. Finlayson, Journ. to Siam, 1826, p. 86, d’après Ritter, Erdk., 4, p. 878.
  3. Thwaites, Enum. plant. Ceylan, p. 321.
  4. D’après Aitchison, Catal. of Punjab, p. 147.
  5. Hughes, Barb., p. 182 ; Maycock, Fl. Barb., p. 396.
  6. Sloane, Jamaica, 2, p. 148.
  7. Piso, édit. 1648, Hist. nat., p. 75.