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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS

une seule espèce. Il adopte le nom de Musa sapientum, qui me paraît effectivement préférable à celui de M. paradisiaca, adopté par Desvaux, parce que les variétés à petits fruits fertiles rapportées au M. sapientum L. semblent plus près de l’état des Musa spontanés qu’on a trouvés en Asie.

Brown remarque, sur la question d’origine, que toutes les autres espèces du genre Musa sont de l’ancien monde ; que personne ne dit avoir trouvé en Amérique, dans l’état sauvage, des variétés à fruits fertiles, comme cela est arrivé en Asie ; enfin, que Piso et Marcgraf ont regardé le Bananier comme introduit du Congo au Brésil. Malgré la force de ces trois arguments, M. de Humboldt, dans la seconde édition de son Essai sur la Nouvelle-Espagne (2, p. 397), n’a pas renoncé complètement à son opinion. Il dit que le voyageur Caldcleugh[1] a trouvé chez les Puris la tradition établie que, sur les bords du Prato, on cultivait, longtemps avant les communications avec les Portugais, une petite espèce de banane. Il ajoute qu’on trouve dans les langues américaines des mots, non importés, pour distinguer le fruit du Musa, par exemple Paruru en tamanaque, etc., Arata en maypure. J’ai lu aussi dans le voyage de Stevenson[2] qu’on aurait trouvé dans les huacas, ou tombeaux péruviens antérieurs à la conquête, des lits de feuilles des deux Bananiers cultivés habituellement en Amérique ; mais, comme ce voyageur dit avoir vu dans ces huacas des fèves[3] et que la fève est certainement de l’ancien monde, ses assertions ne méritent guère confiance. M. Boussingault[4] pensait que le Platano arton au moins est originaire d’Amérique, mais il n’en a pas donné de preuve. Meyen, qui avait aussi été en Amérique, n’ajoute aucun argument à ceux qui étaient connus avant lui[5]. Il en est de même du géographe Ritter[6], qui reproduit simplement pour l’Amérique les faits indiqués par de Humboldt.

D’un autre côté, des botanistes qui ont visité l’Amérique plus récemment n’hésitent pas sur l’origine asiatique. Je citerai Seemann pour l’isthme de Panama, Ernst pour le Venezuela et Sagot pour la Guyane[7]. Les deux premiers insistent sur l’absence de noms pour le Bananier dans les langues du Pérou et du Mexique. Piso ne connaissait aucun nom brésilien. De Martius[8] a indiqué depuis, dans la langue tupi du Brésil, les noms Pacoba ou Bacoba. Ce même nom Bacove est usité, selon

  1. Caldcleugh, Trav. in S. Amer., 1825, 1, p. 23.
  2. Stevenson, Trav. in S. Amer., 1, p. 328.
  3. Stevenson, Trav. in S. Amer., 1, p. 363.
  4. Boussingault, dans C. r. Acad. sc. Paris, 9 mai 1836.
  5. Meyen, Pflanz. geog., 18.36, p. 383.
  6. Ritter, Erdkunde, 4, p. 870 et suiv.
  7. Seemann, Botany of Herald, p. 213 ; Ernst, dans Seemann, Journal of botany, 1867, p. 289 ; Sagot, dans Journal de la Société d’hortic. de France, 1872, p. 226.
  8. Martius, Ethnogr. Sprachenkunde America’s, p. 123.