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BANANIER

langas aurait transporté, en 1516, des îles Canaries à Saint-Domingue, les premiers Bananiers, introduits de là dans d’autres îles et sur la terre ferme[1]. Il reconnaît que, dans les relations de Colomb, Alonzo Negro, Pinzon, Vespuzzi et Cortez, il n’est jamais question de Bananier. Le silence de Hernandez, qui vivait un demi-siècle après Oviedo, l’étonne et lui paraît une négligence singulière, « car, dit-il[2], c’est une tradition constante au Mexique et sur toute la terre ferme que le Platano arton et le Dominico y étaient cultivés longtemps avant l’arrivée des Espagnols. » L’auteur qui a marqué avec le plus de soin les différentes époques auxquelles l’agriculture américaine s’est enrichie de productions étrangères, le Péruvien Garcilasso de la Vega[3], dit expressément que, du temps des Incas, le maïs, le quinoa, la pomme de terre, et dans les régions chaudes et tempérées les bananes faisaient la base de la nourriture des indigènes. Il décrit le Musa de la vallée des Andes ; il distingue même l’espèce plus rare, à petit fruit sucré et aromatique, le Dominico, de la banane commune ou Arton. Le Père Acosta[4] affirme aussi, quoique moins positivement, que le Musa était cultivé par les Américains avant l’arrivée des Espagnols. Enfin M. de Humboldt ajoute d’après ses propres observations : « Sur les rives de l’Orénoque, du Cassiquaire ou de Béni, entre les montagnes de l’Esmeralda et les rives du fleuve Carony, au milieu des forêts les plus épaisses, presque partout où l’on découvre des peuplades indiennes qui n’ont pas eu des relations avec les établissements européens, on rencontre des plantations de Manioc et de Bananiers. » M. de Humboldt, en conséquence, a émis l’hypothèse qu’on aurait confondu plusieurs espèces ou variétés constantes de Musa, dont quelques-unes seraient originaires du nouveau monde.

Desvaux s’empressa d’examiner la question spécifique, et dans un travail vraiment remarquable publié en 1814[5] il a regardé tous les Bananiers cultivés pour leurs fruits comme une seule espèce. Dans cette espèce, il distingue 44 variétés, qu’il dispose en deux séries, les Bananes à gros fruits (7 à 15 pouces de longueur) et celles à petits fruits (1 à 6 pouces) appelées vulgairement figues bananes, R. Brown en 1818, dans son ouvrage sur les plantes du Congo, p. 51, soutient aussi qu’aucune circonstance dans la structure des Bananiers cultivés en Asie et en Amérique n’empêche de les considérer comme appartenant à


    de 1526. C’est le plus ancien voyageur naturaliste cité par Oryander (Bibl. banks.) pour l’Amérique.

  1. J’ai lu ce passage également dans la traduction d’Oviedo par Ramusio, vol. 3, p. 115.
  2. De Humboldt, Nouvelle-Espagne, 2e édit., p. 385.
  3. Garcilasso de la Vega, Commentarios reales, 1, p. 282.
  4. Acosta, Hist. nat. de Indias, 1608, p. 250.
  5. Desvaux, Journ. bot., IV, p. 5.