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MÉTHODES POUR DÉCOUVRIR L’ORIGINE DES ESPÈCES

tent les pays tropicaux, parce qu’ils sont plus souvent limités à l’ancien ou au nouveau monde.

La géographie botanique apprend quelles flores ont en commun des genres et même des espèces, malgré un certain éloignement, et quelles, au contraire, sont très différentes, malgré des analogies de climat ou une distance assez faible. Elle fait connaître aussi quels sont les espèces, genres et familles ayant des habitations vastes et quels autres ont une extension ou aire moyenne restreinte. Ces données aident beaucoup à déterminer l’origine probable d’une espèce. Les plantes qui se naturalisent se répandent rapidement. J’en ai cité jadis[1] des exemples, d’après ce qui s’est passé depuis deux siècles, et des faits semblables ont continué d’être observés d’année en année. On connaît la rapidité de l’invasion récente de l’Anacharis Alsinastrum dans les eaux douces d’Europe, et celle de beaucoup de plantes européennes à la Nouvelle-Zélande, en Australie, en Califormie, etc., signalée dans plusieurs flores ou voyages modernes.

L’extrême abondance d’une espèce n’est pas une preuve d’ancienneté. L’Agave americana, si commun dans la région méditerranéenne, quoique venu d’Amérique, et notre Gardon, qui couvre maintenant d’immenses étendues des pampas de la Plata, en sont des exemples remarquables. Le plus souvent, l’invasion d’une espèce marche rapidement, et au contraire l’extinction est le résultat d’une lutte de plusieurs siècles contre des circonstances défavorables[2].

La désignation la plus convenable à adopter pour des espèces ou, dans un langage plus scientifique, pour des formes voisines, est un problème qui se présente souvent en histoire naturelle, et dans la catégorie des espèces cultivées plus que dans les autres. Ces plantes changent par la culture. L’homme s’empare des formes nouvelles qui lui conviennent et les propage par des moyens artificiels, tels que les boutures, la greffe, le choix des graines, etc. Évidemment, pour connaître l’origine d’une de ces espèces, il faut éliminer le plus possible les formes qui semblent artificielles et concentrer son attention sur les autres. Une réflexion bien simple doit guider dans ce choix : c’est qu’une espèce cultivée offre des diversités principalement dans les parties pour lesquelles on la cultive. Les autres peuvent rester sans modifications, ou avec des modifications légères, dont le cultivateur ne tient pas compte, parce qu’elles lui sont inutiles. Il faut donc s’attendre à ce qu’un arbre fruitier primitif et sauvage ait de petits fruits, de saveur médiocrement agréable ; à ce qu’une céréale ait de petites graines, la pomme de terre sauvage de petits tubercules, le tabac indigène des feuilles étroites, etc., etc., sans aller cependant jusqu’à s’imaginer qu’une espèce aurait pris

  1. A. de Candolle, Géogr. bot. raisonnée, chap. VII et X.
  2. A. de Candolle, Géogr. bot. raisonnée, chap. VIII, p. 804.