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Botanique

un fait général et certain, est à présent un des lieux communs de la science. Tout ce qu’on écrit sur la géographie botanique ou zoologique s’appuie sur cette base, qui n’est plus contestée.

Elle offre, dans les applications à chaque pays ou chaque espèce, de nombreuses difficultés, car, une cause étant une fois reconnue, il n’est pas toujours aisé de savoir comment elle a agi dans chaque cas particulier. Heureusement, en ce qui concerne les plantes cultivées, les questions qui se présentent n’exigent pas de remonter à des temps très anciens, ni surtout à des dates qu’on ne peut préciser en nombre d’années ou de siècles. Sans doute la plupart des formes spécifiques actuelles remontent à un temps plus reculé que la grande extension des glaciers dans l’hémisphère boréal, phénomène qui a duré bien des milliers d’années si l’on en juge par l’énormité des dépôts que les glaces ont enlevés et transportés ; mais les cultures ont commencé depuis ces événements et même, dans beaucoup de cas, depuis une époque historique. Nous n’avons guère à nous occuper de ce qui a précédé. Les espèces cultivées peuvent avoir changé de pays avant leur culture, ou, dans un temps plus long, avoir changé de forme, cela rentre dans les questions générales de tous les êtres organisés ; notre travail demande seulement que chaque espèce soit examinée depuis qu’on la cultive, ou dans les temps qui ont précédé immédiatement sa culture. C’est une grande simplification.

La question d’ancienneté, ainsi limitée, peut être abordée au moyen des renseignements historiques ou autres, dont je parlerai tout à l’heure, et par les principes de la géographie botanique.

Je rappellerai ceux-ci sommairement, pour montrer de quelle manière ils aident à découvrir l’origine géographique d’une plante.

Chaque espèce présente ordinairement une habitation continue ou à peu près. Cependant quelquefois elle est disjointe, c’est-à-dire que les individus qui la composent sont divisés entre des régions éloignées. Ces cas, très intéressants pour l’histoire du règne végétal et des surfaces terrestres du globe, sont loin de former la majorité. Par conséquent, lorsqu’une espèce cultivée se trouve à l’état sauvage, très abondamment en Europe, et moins abondamment aux États-Unis, il est probable que, malgré son apparence indigène en Amérique, elle s’y est naturalisée, à la suite de quelque transport accidentel.

Les genres du règne végétal, bien que formés ordinairement de plusieurs espèces, sont souvent limités à telle ou telle région. Il en résulte que plus un genre compte d’espèces toutes de la même grande division du globe, plus il est probable qu’une des espèces en apparence originaire d'une autre partie du monde y a été transportée et s’y est naturalisée, par exemple, en s’échappant des cultures. Cela est vrai surtout dans les genres qui habi-