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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS

la gourde des pèlerins, qui présente ce grand intérêt d’avoir paru avant la découverte de l’Amérique. C’est la planche 46 de l’Herbarius Pataviæ impressus, in-4o, 1485, ouvrage rare.

Malgré certains synonymes des auteurs, je ne crois pas que la Gourde ait existé en Amérique avant l’arrivée des Européens. Le Taquera de Piso[1] et le Cucurbita lagenæforma de Marcgraf[2] sont peut-être bien le Lagenaria vulgaris, comme le disent les monographes[3], et les échantillons du Brésil cités par eux doivent être certains, mais cela ne prouve pas que l’espèce fût dans le pays avant le voyage d’Americ Vespuce, en 1504. Depuis lors jusqu’aux voyages de ces deux botanistes, en 1637 et 1638, il s’est écoulé un temps bien plus long qu’il ne faut le supposer pour l’introduction et la diffusion d’une espèce annuelle, curieuse de forme, facile à cultiver et dont les graines conservent longtemps la faculté de germer. Elle peut même s’être naturalisée à la suite des cultures, comme cela s’est vu ailleurs. A plus forte raison le Cucurbita Siceratia Molina, attribué tantôt à l’espèce actuelle et tantôt au Cucurbita maxima[4], peut-il avoir été introduit au Chili, entre 1538, époque de la découverte de ce pays, et 1787, date de l’édition en italien de Molina. Acosta[5] parle aussi de Calebasses dont les Péruviens se servaient comme de coupe ou de vase, mais l’édition espagnole de son livre est de 1591, plus de cent ans après la conquête. Parmi les naturalistes ayant indiqué l’espèce le plus rapprochée de la découverte de l’Amérique (1492) est Oviedo[6], qui avait visité la terre ferme et, après un séjour à Vera-Paz, était revenu en Europe en 1815, mais était retourné à Nicaragua en 1539[7] D’après la compilation de Ramusio[8], il a parlé de zucche, cultivées en quantité aux Antilles et à Nicaragua à l’époque de la découverte de l’Amérique et dont on faisait usage comme de bouteilles. Les auteurs de flores de la Jamaïque, au XVIIe siècle, ont dit l’espèce cultivée dans cette île. P. Browne[9] cependant indique une grande Gourde cultivée et une petite, sauvage, ayant une pulpe amère et purgative.

Enfin, pour les États-Unis méridionaux, Elliott[10] s’exprimait ainsi en 1824 : « Le L. vulgaris se trouve rarement dans les bois et n’est certainement pas indigène. Il paraît avoir été apporté par les anciens habitants de notre pays d’une contrée plus

  1. Piso, Indiæ utriusque. etc., éd. 1658, p. 264.
  2. Marcgraf. Hist nat. Brasiliæ, 1648, p. 44.
  3. Naudin, l. c. ; Cogniaux, dans Flora brasil., fasc, 78, p. 7, et dans de Candolle, Monogr. Phaner., 3, p. 418.
  4. Cl. Gay, Flora Chilena, 2, p. 403.
  5. Ios, Acosta, trad. française, p. 167.
  6. Pickering, Chronol. arrang., p. 861.
  7. Pickering, l. c.
  8. Ramusio, vol. 3, p. 112.
  9. P. Brown, Jamaica, éd. 2, p. 354.
  10. Elliott, Sketch of the botany of S. Carolina and Georgia, 2, p. 663.