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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS

Pour simplifier la recherche des origines, j’éliminerai d’abord l’ancien monde, car il est assez évident que les Goyaviers sont venus d’Amérique. Sur une soixantaine d’espèces du genre Psidium, toutes celles qu’on peut regarder comme suffisamment étudiées sont américaines. Les botanistes, depuis le XVIe siècle, ont trouvé, il est vrai, des Psidium Guayava (variétés pomiferum et pyriferum), plus ou moins spontanés dans les îles de l’Archipel Indien et l’Asie méridionale[1], mais tout fait présumer que c’était le résultat de naturalisations peu anciennes. On admettait pour chaque localité une origine étrangère ; seulement on hésitait sur la provenance asiatique ou américaine. D’autres considérations justifient cette idée. Les noms vulgaires en malais sont dérivés du mot américain Guiava, Les anciens auteurs chinois ne parlent pas des Goyaviers, bien que Loureiro les ait dits sauvages en Cochinchine il y a un siècle et demi. Forster ne les mentionne pas comme cultivés dans les îles de la mer Pacifique lors du voyage de Cook, ce qui est assez significatif quand on pense à la facilité de cultiver ces arbres et à leur dispersion inévitable. Aux îles Maurice et Seychelles, personne ne doute de leur introduction et naturalisation récentes[2].

Nous aurons plus de peine à découvrir de quelles parties de l’Amérique les Goyaviers sont sortis.

Dans le siècle actuel, ils sont certainement spontanés, hors des cultures, aux Antilles, au Mexique, dans l’Amérique centrale, le Venezuela, le Pérou, la Guyane et le Brésil[3], mais depuis quelle époque ? Est-ce depuis que les Européens en ont répandu la culture ? Est-ce antérieurement, à la suite des transports par les indigènes et surtout par les oiseaux ? Ces questions ne paraissent avoir fait aucun progrès depuis que j’en ai parlé en 1855[4]. Cependant, aujourd’hui, avec un peu plus d’expérience dans ces sortes de problèmes, et l’unité spécifique des deux Goyaviers étant reconnue, j’essayerai d’indiquer ce qui me paraît le plus vraisemblable.

J. Acosta[5], un des premiers auteurs sur l’histoire naturelle du nouveau monde, s’exprime sur le Goyavier pomiforme de la manière suivante : « Il y a en Saint-Domingue et ès autres îles, des montagnes toutes pleines de Goyavos, et disent, qu’il n’y avait point de telle sorte d’arbres avant que les Espagnols y arrivassent, mais qu’on les y a apportés de je ne sais où. » Ce serait donc plutôt du continent que l’espèce serait originaire. Acosta dit bien qu’elle croit en terre ferme, et il ajoute que les goyaves du Pérou ont une chair blanche bien préférable à

  1. Rumphius, Amboin., 1, p. 141, 142 ; Rheede, Hort. malab., 3, t. 34.
  2. Bojer, Hortus mauritianus ; Baker, Flora of Mauritius, p. 112.
  3. Toutes les flores, et Berg, dans Flora brasiliensis, vol. 14, p. 196.
  4. Géogr. bot. raisonnée, p. 894 et 895.
  5. Acosta, Hist. nat, et morale des Indes orient. et occid., traduction française, 1598, p. 175, au verso.