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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS

fruit pareil. On a cru quelquefois le reconnaître dans les Tuberes dont il parle[1]. C’était un arbre apporté de Syrie du temps d’Auguste. Il y avait des Tuberes blanches et des rouges. D’autres (Tuberes ? ou Mala ? ) des environs de Vérone étaient velues. Le reste du chapitre paraît concerner les Mala seulement. Des vers élégants de Pétrone, cités par Dalechamp[2], prouvent clairement que les Tuberes des Romains du temps de Néron étaient un fruit glabre ; mais ce pouvait être le Jujubier (Zizyphus), le Diospyros, ou quelque Cratægus, aussi bien que le Pêcher à fruit lisse. Chaque auteur, à l’époque de la Renaissance, a eu son opinion à cet égard ou s’est mis à critiquer l’assertion des autres[3]. Peut-être y avait-il des Tuberes de deux ou trois espèces, comme le dit Pline, et l’une d’elles, qui se greffait sur les Pruniers[4], était-elle la pêche lisse ? Je doute qu’on puisse jamais éclaircir cette question[5].

« En admettant même que le Nucipersica eût été introduit en Europe seulement au moyen âge, on ne peut se refuser à constater le mélange dans les cultures européennes depuis plusieurs siècles, et au Japon depuis un temps inconnu, de toutes les qualités principales de pêches. Il semble que ces qualités diverses se soient produites partout au moyen d’une espèce primitive, qui aurait été la pêche velue. S’il y avait eu d’origine deux espèces, ou elles auraient été dans des pays différents, et leur culture se serait établie séparément, ou elles auraient été dans le même pays, et dans ce cas il est probable que les anciens transports auraient introduit ici une des espèces, ailleurs l’autre. »

J’insistais, en 1855, sur d’autres considérations pour appuyer l’idée que la pèche lisse ou Brugnon (Nectarine des Anglais) est issue du Pêcher ordinaire ; mais Darwin a cité un si grand nombre de cas dans lesquels une branche de Nectarine est sortie tout à coup d’un Pêcher à fruit velu, qu’il est inutile d’en parler davantage. J’ajouterai seulement que le Brugnon a toutes les apparences d’un arbre factice. Non seulement on ne l’a cas trouvé sauvage, mais il ne se naturalise pas hors des jardins, et chaque pied dure moins que les Pêchers ordinaires. C’est une forme affaiblie.

« La facilité, disais-je, avec laquelle nos Pêchers se sont multipliés de semis en Amérique et ont donné, sans le secours de la greffe, des fruits charnus, quelquefois très beaux, me fait croire que l’espèce est dans un état naturel, peu altéré par une

  1. Pline, De div. gen. malorum, l. 2, c. 14.
  2. Dalechamp, Hist., 1, p. 358.
  3. Dalechamp, l. c. ; Matthioli, p. 122 ; Cæsalpinus, p. 107 ; J. Bauhin, p. 163, etc.
  4. Pline, l. 17, c. 10.
  5. Je n’ai pas pu découvrir un nom italien de fruit glabre ou autre qui dérive de tuber ou tuberes. C’est une chose singulière, car, en général, les anciens noms de fruits se sont conservés sous quelque forme.