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AMANDIER

Mésopotamie, dans l’Aderbijan, le Turkestan, le Kurdistan et dans les forêts de l’Antiliban. Karl Koch[1] ne l’a pas rencontré à l’état sauvage au midi du Caucase, ni M. de Tchihatcheff en Asie Mineure. M. Cosson[2] a trouvé des bois naturels d’Amandiers près de Saïda, en Algérie. On le regarde aussi comme sauvage sur les côtes de Sicile et de Grèce[3] ; mais là, et plus encore dans les localités où il se montre en Italie, en France ou en Espagne, il est probable ou presque certain que c’est le résultat de noyaux dispersés par hasard à la suite des cultures.

L’ancienneté d’existence dans l’Asie occidentale est prouvée par le fait de noms hébreux, Schaked, Luz ou Lus (qui est encore le nom arabe Louz), et de Schekedim, pour l’amande[4]. Les Persans ont un autre nom, Badam, dont j’ignore le degré d’ancienneté. Théophraste et Dioscoride[5] mentionnent l’Amandier sous un nom tout différent, Amugdalai, traduit par les latins en Amygdalus, On peut en inférer que les Grecs n’avaient pas reçu l’espèce de l’intérieur de l’Asie, mais l’avaient trouvée chez eux ou au moins dans l’Asie Mineure. L’Amandier est figuré plusieurs fois dans les peintures découvertes à Pompeia[6]. Pline[7] doute que l’espèce fût connue en Italie du temps de Caton, parce qu’elle était désignée sous le nom de noix grecque. Il est bien possible que l’Amandier eut été introduit des îles de la Grèce à Rome. On n’a pas trouvé d’amandes dans les « Terramare » du Parmesan, même dans les couches supérieures.

J’avoue que le peu d’ancienneté de l’espèce chez les Romains et l’absence de naturalisation hors des cultures en Sardaigne et en Espagne[8] me font douter de l’indigénat sur la côte septentrionale d’Afrique et en Sicile. Ce sont plutôt, à ce qu’il semble, des naturalisations remontant à quelques siècles. A l’appui de cette hypothèse, je remarque le nom berbère de l’amande Talouzet[9], qui se rattache évidemment à l’arabe Louz, c’est-à-dire à la langue des conquérants venus après les Romains. Au contraire, dans l’Asie occidentale et même dans certains points de la Grèce, on peut regarder l’indigénat comme préhistorique,

  1. K. Koch, Dendrologie, 1, p. 80 ; Tchihatcheff, Asie Mineure, Botanique, 1, p. 108.
  2. Ann. des sc. nat., série 3, vol. 19, p. 108.
  3. Gussone, Synopsis fl. siculæ, 1, p. 552 ; de Heldreich, Nutzpflanzen Griechenland’s, p. 67.
  4. Hiller, Hierophyton, 1, p. 215 ; Rosenmüller, Handb. bibl. Alterk., 4, p. 263.
  5. Théophrastes, Hist., l. 1, c. 11, 18, etc. ; Dioscorides, l. 1, c. 176.
  6. Schouw, Die Erde, etc. ; Comes, Ill. piante nei dipinti pompeiani, p. 13.
  7. Pline, Hist., 1. 16, c. 22.
  8. Moris, Flora Sardoa, 2, p. 5 ; Willkomm et Lange, Prodr. Fl. Hisp., 3, p. 243.
  9. Dictionnaire français-berbère, 1844.