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NOTIONS PRÉLIMINAIRES

Jésus-Christ l’empereur Ghen-nung institua la cérémonie dans laquelle chaque année on sème cinq espèces de plantes utiles, le riz, le soja, le blé et deux sortes de millets[1]. Ces plantes devaient être cultivées depuis quelque temps, dans certaines localités, pour avoir attiré à ce point l’attention de l’empereur L’agriculture paraît donc aussi ancienne en Chine qu’en Égypte. Les rapports continuels de ce dernier pays avec la Mésopotamie font présumer une culture à peu près contemporaine dans les régions de l’Euphrate et du Nil. Pourquoi ne serait-elle pas tout aussi ancienne dans l’Inde et dans l’archipel Indien ? L’histoire des peuples dravidiens et malais ne remonte pas haut et présente bien de l’obscurité, mais il n’y a pas de raisons de croire que la culture n’ait pas commencé chez eux il y a fort longtemps, en particulier au bord des fleuves.

Les anciens Égyptiens et les Phéniciens ont propagé beaucoup de plantes dans la région de la Méditerranée, et les peuples Aryens, dont les migrations vers l’Europe ont commencé à peu près 2500 ou au plus tard 2000 ans avant Jésus-Christ ont répandu plusieurs espèces qui étaient déjà cultivées dans l’Asie occidentale. Nous verrons, en étudiant l’histoire de quelques espèces, qu’on cultivait probablement déjà certaines plantes en Europe et dans le nord de l’Afrique. Il y a des noms de langues antérieures aux Aryens, par exemple finnois, basques, berbères et guanches (des îles Canaries), qui l’indiquent. Cependant les restes, appelés Kjökkenmöddings, des habitations anciennes du Danemark, n’ont fourni jusqu’à présent aucune preuve de culture et en même temps aucun indice de la possession d’un métal[2]. Les Scandinaves de cette époque vivaient surtout de pèche, de chasse et peut-être accessoirement de plantes indigènes, comme le chou, qui ne sont pas de nature à laisser des traces dans les fumiers et les décombres, et qu’on pouvait d’ailleurs se passer de cultiver. L’absence de métaux ne suppose pas, dans ces pays du nord, une ancienneté plus grande que le siècle de Périclès ou même des beaux temps de la république romaine. Plus tard, quand le bronze a été connu en Suède, région bien éloignée des pays alors civilisés, l’agriculture avait fini par s’introduire. On a trouvé dans les restes de cette époque la sculpture d’une charrue attelée de deux bœufs et conduite par un homme[3].

Les anciens habitants de la Suisse orientale, lorsqu’ils avaient des instruments de pierre polie et pas de métaux, cultivaient plusieurs plantes, dont quelques-unes étaient originaires d’Asie.

  1. Bretschneider, On the study and value of chinese botanical works, p. 7.
  2. De Nadaillac, Les premiers hommes et les temps préhistoriques, I, p. 266, 268. L’absence de traces d’agriculture dans ces débris m’est certifiée d’ailleurs par M. Heer et M. Cartailhac, très au courant tous les deux des découvertes en archéologie.
  3. M. Montelius, d’après Cartailhac, Revue, 1875, p. 237.