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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS

fait douter de l’habitation en Chine donnée par un missionnaire[1]. Il est spontané en Islande[2], dans le nord-est des États-Unis[3], autour du fort Cumberland et sur la côte nord-ouest[4], peut-être même dans la Sierra Nevada de Californie[5]. L’habitation s’étend donc autour du pôle arctique, à l’exception de la Sibérie orientale et de la région du fleuve Amour, puisque l’espèce n’est pas citée par M. Maximowicz dans ses Primitiæ floræ amurensis. En Amérique l’habitation se prolonge sur les hauteurs du Mexique, car le Fragaria mexicana, cultivé au Muséum et examiné par J. Gay, est le F. vesca. Il existe aussi autour de Quito, d’après le même botaniste, très compétent dans la question[6].

Les Grecs et les Romains n’ont pas cultivé le fraisier. C’est probablement dans le XVIe ou le XVIe siècle que la culture s’en est introduite, Champier, au XVIe siècle, en parlait comme d’une nouveauté dans le nord de la France[7], mais elle existait déjà dans le midi et en Angleterre[8].

Transporté dans les jardins des colonies, le fraisier s’est naturalisé dans quelques localités fraîches, loin des habitations. C’est arrivé à la Jamaïque[9], dans l’île Maurice[10], et plus encore dans l’île de Bourbon, où dès pieds avaient été mis par Commerson dans la plaine élevée dite des Cafres. Bory Saint-Vincent raconte qu’en 1801 il y avait trouvé des espaces tout rouges de fraises et qu’on ne pouvait les traverser sans se teindre les pieds d’une véritable marmelade, mêlée de fange volcanique[11]. Il est probable qu’en Tasmanie, à la Nouvelle-Zélande et ailleurs on verra des naturalisations semblables.

Le genre Fragaria a été étudié avec plus de soin que beaucoup d’autres par Duchesne fils, le comte de Lambertye, Jacques Gay et surtout Mme Elisa Vilmorin, dont l’esprit d’observation était si digne du nom qu’elle portait. Un résumé de leurs travaux, avec d’excellentes planches coloriées, se trouve dans le Jardin fruitier du Muséum par M. Decaisne. De grandes difficultés ont été surmontées par ces auteurs pour distinguer les variétés et les hybrides qu’on multiplie dans les jardins, des véritables espèces, et pour établir celles-ci sur de bons carac-

  1. Perny, Propag. de la foi, cité dans Decaisne, Jardin fruitier du Mus., p. 27 ; J. Gay, ibid., p. 27, n’indique pas la Chine.
  2. Babington, Journal of Linn. soc., 11, p. 303 ; Gay, l. c.
  3. A. Gray, Botany of tne northern States, éd. 1868, p. 156.
  4. Sir W. Hooker, Fl. bor. amer., 1, p. 184.
  5. A. Gray, Bot. of California, 1, p. 176.
  6. J. Gay, dans Decaisne, Jardin fruitier du Muséum, Fraisier, p. 30.
  7. Le Grand d’Aussy, Histoire de la vie privée des Français, 1, p. 233 et 3.
  8. Olivier de Serres, Théâtre d’agric., p. 511 ; Gerara, d’après Phillips, Pomarium britannicum, p. 334.
  9. Purdie, dans Hooker, London journal of botany, 1844, p. 515.
  10. Bojer, Hortus mauritianus, p. 127.
  11. Bory Saint-Vincent, Comptes rendus de l’Acad, des sc., 1836, sem. 2, p. 109.