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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS

L’idée de recueillir le jus des raisins et de profiter de sa fermentation a pu naître chez différents peuples, principalement dans l’Asie occidentale, où la Vigne abondait et prospérait. Adolphe Pictet[1], qui a discuté, après de nombreux auteurs, mais d’une manière plus scientifique, les questions d’histoire, de linguistique et même de mythologie concernant la Vigne chez les peuples de l’antiquité, admet que les Sémites et les Aryas ont également connu l’usage du vin, de sorte qu’ils ont pu l’introduire dans tous les pays où ils ont émigré, jusqu’en Égypte, dans l’Inde et en Europe. Ils ont pu le faire d’autant mieux qu’ils trouvaient la plante sauvage dans plusieurs de ces contrées.

Pour l’Égypte, les documents sur la culture de la Vigne et la vinification remontent à 5 ou 6000 ans[2]. Dans l’ouest, la propagation de la culture par les Phéniciens, les Grecs et les Romains est assez connue ; mais, du côté oriental de l’Asie, elle s’est faite tardivement. Les Chinois, qui cultivent à présent la Vigne dans leurs provinces septentrionales, ne la possédaient pas antérieurement à l’année 122 avant notre ère[3]. On sait qu’il existe plusieurs Vignes spontanées dans le nord de la Chine, mais je ne puis admettre avec M. Regel que la plus analogue à notre Vigne, le Vitis Amurensis, de Ruprecht, appartienne à notre espèce. Les graines dessinées dans le Gartenflora, 1861, pl. 33, en sont trop différentes. Si le fruit de ces vignes de l’Asie orientale avait quelque valeur, les Chinois auraient bien eu l’idée d’en tirer parti.

Jujubier commun. — Zizyphus vulgaris, Lamarck.

D’après Pline[4], le Jujubier aurait été apporté de Syrie à Rome, par le consul Sextus Papinius, vers la fin du règne d’Auguste. Les botanistes remarquent cependant que l’espèce est commune dans les endroits rocailleux d’Italie[5] et que d’ailleurs — chose singulière — on l’a pas encore trouvée sauvage en Syrie, bien qu’elle y soit cultivée, de même que dans toute la région qui s’étend de la mer Méditerranée à la Chine et au Japon[6].

La recherche de l’origine du Jujubier, comme arbre spontané, vient à l’appui du dire de Pline, malgré les objections que je viens de mentionner. D’après les collecteurs de plantes et les

  1. Ad. Pictet, Les origines indo-européennes, édition 2, vol. 1, p. 298 à 321.
  2. M. Delchevalerie, dans l’Illustration horticole, 1881, p. 28. Il mentionne surtout le tombeau de Phtah-Hotep, qui vivait à Memphis, quatre mille ans avant Jésus-Christ.
  3. Bretschneider, On the value and study of chinese botanical works, p. 16.
  4. Pline, Hist., l. 15, c. 14.
  5. Bertoloni, Fl. ital., 2, p. 665 ; Gussone, Synopsis Fl. siculæ, 2 p. 276.
  6. Willkomm et Lange, Prodr. Fl. hispanicæ, 3 p. 480 ; Desfontaines, Fl. Atlant., 1, p. 200 ; Boissier, Fl. orient., 2, p. 12 ; J. Hooker, Fl. of brit. India, 1, p. 633 ; Bunge, Enum. plant. chin., p. 14 ; Franchet et Savatier, Enum. plant. Japon., 1, p. 81.