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CÉDRATIER, CITRONNIER, LIMONIER

plus souvent dans les forêts. » Ce peut être l’effet d’une naturalisation accidentelle, par suite des cultures. Miquel, dans sa flore moderne des Indes hollandaises[1], n’hésite pas à dire que les C. medica et Limonum sont seulement cultivés dans l’Archipel.

La culture des variétés plus ou moins acides s’est répandue de bonne heure dans l’Asie occidentale, du moins dans la Mésopotamie et la Médie. On ne peut guère en douter, puisque deux formes avaient des noms sanscrits, et que d’ailleurs les Grecs ont eu connaissance du fruit par les Mèdes, d’où est venu le nom de Citrus medica. Théophraste[2] en a parlé le premier, sous le nom de Pomme de Médie et de Perse, dans une phrase souvent répétée et commentée depuis deux siècles[3]. Elle s’applique évidemment au Citrus medica ; mais, tout en expliquant de quelle manière on sème la graine dans des vases, pour les transplanter ensuite, l’auteur ne dit pas si cela se pratiquait en Grèce ou s’il décrivait un usage des Mèdes. Probablement, les Grecs ne cultivaient pas encore le Cédratier, car les Romains ne l’avaient pas dans leurs jardins au commencement de l’ère chrétienne. Dioscoride, né en Cilicie et qui écrivait dans le Ier siècle, en parle[4] à peu près dans les mêmes termes que Théophraste. On estime que l’espèce a été cultivée en Italie dans le IIIe ou le IVe siècle, après des tentatives multipliées[5]. Palladius, dans le Ve siècle, en parle comme d’une culture bien établie.

L’ignorance des Romains de l’époque classique au sujet des plantes étrangères à leur pays les a fait confondre, sous le nom de lignum citreum, le bois du Citrus, avec celui du Cedrus, dont on faisait de fort belles tables, et qui était un Cèdre ou un Thuya, de la famille toute différente des Conifères.

Les Hébreux ont dû avoir connaissance du Cédratier avant les Romains, à cause de leurs rapports fréquents avec la Perse, la Médie et les contrées voisines. L’usage des Juifs modernes de se présenter à la synagogue, le jour des Tabernacles, un cédrat à la main, avait fait croire que le mot Hadar, du Lévitique signifiait citron ou cédrat ; mais Risso a montré, par la comparaison des anciens textes, que ce mot signifie un beau fruit ou le fruit d’un bel arbre. Il croit même que les Hébreux ne connaissaient pas le Citronnier ou Cédratier au commencement de notre ère, parce que la version de Septante traduit Hadar par fruit d’un très bel arbre. Toutefois les Grecs ayant vu le Cédratier en Médie et en Perse du temps de Théophraste, trois siècles avant Jésus-Christ, il serait singulier que les Hébreux n’en aient pas eu

  1. Miquel, Flora indo-bat., 1, part. 2, p. 528.
  2. Theophrastes, l. 4, c. 4.
  3. Bodæus dans Theophrastes, éd. 1644, p. 322, 343 ; Risso, Traité du Citrus, p. 198 ; Targioni, Cenni storici, p. 196.
  4. Dioscorides, 1, p. 166.
  5. Targioni, l. c.