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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS

uniquement cultivés, c’est-à-dire plus ou moins factices et peut-être, dans certains cas, hybrides. Les botanistes sont plus heureux maintenant. Grâce aux découvertes des voyageurs dans l’Inde anglaise, ils peuvent distinguer des espèces spontanées, par conséquent réelles et naturelles. D’après sir Joseph Hooker[1], qui a lui-même herborisé dans l’Inde, c’est à Brandis[2] qu’on doit le meilleur travail sur les Citrus de cette région. Il le suit dans sa flore. Je ferai de même, à défaut d’une monographie du genre, et en remarquant aussi qu’il reste à rapporter le mieux possible aux espèces spontanées la multitude des formes qui ont été décrites dans les jardins et figurées depuis deux siècles[3].

Les mêmes espèces, et d’autres peut-être, existent probablement à l’état sauvage en Cochinchine et en Chine ; mais on ne l’a pas encore constaté sur place ni au moyen d’échantillons examinés par des botanistes. Peut-être les ouvrages importants de M. Pierre, qui commencent à paraître, nous feront-ils savoir ce qu’il en est pour la Cochinchine. Quant à la Chine, je citerai le passage suivant du Dr  Bretschneider[4], qui a de l’intérêt, vu les connaissances spéciales de l’auteur : « Les oranges, dont il y a une grande variété en Chine, sont comptées par les Chinois dans le nombre des fruits sauvages. On ne peut pas douter que la plupart ne soient indigènes et cultivées depuis des temps anciens. La preuve en est que chaque espèce ou variété porte un nom distinct, est en outre représentée le plus souvent par un caractère particulier, et se trouve mentionnée dans les Shu-king, Rh-ya et autres anciens ouvrages. »

Les hommes et les oiseaux dispersent les graines d’Aurantiacées, d’où résultent des extensions d’habitation et des naturalisations dans les régions chaudes des deux mondes. On a pu le remarquer en Amérique dès le premier siècle après la conquête[5], et maintenant il s’est formé des bois d’orangers même dans le midi des États-Unis.

Pompelmouse. — Citrus decumana, Willdenow. — Shaddock, des Anglais. Je parlerai d’abord de cette espèce, parce qu’elle a un caractère botanique plus distinct que les autres. Elle devient un

  1. Hooker, Flora of british India, 1, p. 515.
  2. Stewart et Brandis, The forest of north-west and central India, 1 vol. in-8, p. 50.
  3. Pour arriver à un travail de ce genre, le premier pas serait de publier de bonnes figures des espèces spontanées, montrant en particulier leurs fruits, qu’on ne voit pas dans les herbiers. On pourrait alors dire quelles sont, dans les planches de Risso, de Duhamel et autres, celles qui s’approchent le plus des types sauvages.
  4. Bretschneider, On the study and value of chinese botanical works, p. 55.
  5. Acosta, Hist. nat. des Indes, traduction française, 1598, p. 187.