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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FLEURS

« Usfur. Cette plante fournit des matériaux pour la teinture. Il y en a de deux sortes, une cultivée et une sauvage, qui croissent toutes les deux en Arabie et dont on appelle les graines Elkurthum. » Abu Anifa peut bien avoir eu raison.

Safran.Crocus sativus, Linné.

La culture du Safran est très ancienne dans l’Asie occidentale. Les Romains vantaient le Safran de Cilicie ; ils le préféraient à celui cultivé en Italie[1]. L’Asie Mineure, la Perse et le Cachemir sont depuis longtemps les pays qui en exportent le plus. L’Inde le reçoit aujourd’hui du Cachemir[2]. Roxburgh et Wallich ne l’indiquent pas dans leurs ouvrages. Les deux noms sanscrits mentionnés par Piddington[3] s’appliquaient probablement à la substance du Safran importé de l’ouest, car le nom Kasmirajamma semble indiquer le pays d’origine, Cachemir. L’autre nom est Kunkuma. On traduit ordinairement le mot hébreu Karkom par Safran, mais il doit s’appliquer plutôt au Carthame, d’après le nom actuel de cette dernière plante en arabe. D’ailleurs, on ne cultive pas le Safran en Égypte ou en Arabie[4]. Le nom grec est[5] Krokos, Safran, qui se retrouve dans toutes nos langues modernes d’Europe, vient de l’arabe Sahafaran[6], Zafran[7]. Les Espagnols, plus près des Arabes, disent Azafran, Le nom arabe lui-même vient de Assfar, jaune.

De bons auteurs ont indiqué le C. sativus comme spontané en Grèce[8] et en Italie, dans les Abruzzes[9]. M. Maw, qui prépare une monographie du genre Crocus, basée sur de longues observations dans les jardins et les herbiers, rapporte au C. sativus six formes spontanées dans les montagnes, d’Italie au Kurdistan. Aucune, selon lui[10], n’est identique avec la plante cultivée ; mais certaines formes, décrites sous d’autres noms (C. Orsimi, C. Cartwrightianus, C. Thomasii) en diffèrent à peine. Elles sont d’Italie et de Grèce.

La culture du Safran, dont les conditions sont exposées dans le Cours d’agriculture de Gasparin et dans le Bulletin de la Société d’acclimatation de 1870, devient de plus en plus rare en Europe et en Asie[11]. Elle a eu quelquefois pour effet de naturaliser, au moins pendant quelques années, l’espèce dans des localités où elle semble sauvage.

  1. Pline, l. 21, c. 6.
  2. Royle, Ill. Him., p. 372.
  3. Index, p. 25.
  4. D’après Forskal, Delile, Reynier, Schweinfurth et Ascherson (Aufzählung).
  5. Théophraste, Hist., l. 6, c. 6.
  6. J. Bauhin, Hist., II, p. 637.
  7. Royle, l. c.
  8. Sibthorp, Prodr. ; Fraas, Syn. fl. class., p. 292.
  9. J. Gay, cité par Babington, Man. Brit. fl.
  10. Maw, dans Gardeners’ chronicle, 1881, vol. 16.
  11. Jacquemont, Voy., III, p. 238.