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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FLEURS

du Nord et même des peuples du Midi qui avaient la vigne faisaient de la bière[1] soit d’orge, soit d’autres grains fermentes, avec addition, dans certains cas, de matières végétales diverses, par exemple d’écorce de chêne, de Tamarix, ou de fruits du Myrica Gale[2]. Il est très possible qu’ils n’aient pas remarqué de bonne heure les avantages du Houblon et qu’après en avoir eu connaissance ils aient employé le Houblon sauvage avant de le cultiver. La première mention d’une houblonnière est dans l’acte d’une donation faite par Pépin, père de Charlemagne, en 768[3]. Au XIVe siècle, c’était une culture importante en Allemagne, mais en Angleterre elle a commencé seulement sous Henri VIII[4].

Les noms vulgaires du Houblon ne fournissent que des indications en quelque sorte négatives sur l’origine. Il n’y a pas de nom sanscrit[5], ce qui concorde avec l’absence de l’espèce dans la région de l’Himalaya et fait présumer que les peuples aryens ne l’avaient pas remarquée et utilisée. J’ai cité jadis[6] quelques-uns des noms européens, en montrant leur diversité, quoique certains d’entre eux puissent dériver d’une souche commune. M. Hehn a traité de leur étymologie en philologue et a montré combien elle est obscure ; mais il n’a pas mentionné des noms tout à fait éloignés de Humle, Hopf ou Hop et Chmeli, des langues Scandinaves, gothiques et slaves, par exemple Apini en lette, Apwynis en lithuanien, Tap en esthonien, Blust en illyrien[7], qui ont évidemment d’autres racines. Cette diversité vient à l’appui de l’idée d’une existence de l’espèce en Europe antérieurement à l’arrivée des peuples aryens. Plusieurs populations différentes auraient distingué, nommé et utilisé successivement la plante, ce qui confirme l’extension en Europe et en Asie avant l’usage économique.

Carthame.Carthamus tinctorius, Linné.

La Composée annuelle appelée Carthame est une des plus anciennes espèces cultivées. On se sert de ses fleurs pour colorer en jaune ou en rouge, et les graines donnent de l’huile.

Les bandes qui entourent les momies des anciens Égyptiens sont teintes de Carthame[8], et tout récemment on a trouvé des fragments de la plante dans les tombeaux découverts à Deir el Bahari[9]. La culture doit aussi être ancienne dans l’Inde, puis-

  1. Tacite, Germania, cap. 25 ; Pline, l. 18, c. 7 ; Hehn, Kulturpflanzen, etc., éd. 3, p. 125-137.
  2. Volz, Beiträge zur Culturgeschichte, p. 149.
  3. Volz, ibid.
  4. Beckmann, Erfindungen, cité par Volz.
  5. Piddington, Index ; Fick, Wörterb. Indo-Germ. Sprachen, 1, Ursprache.
  6. A. de Candolle, Géogr. bot. rais., p. 857.
  7. Dictionnaire manuscrit compilé d’après les flores, par Moritzi.
  8. Unger, Die Pflanzen des alten Ægyptens, p. 47.
  9. Schweinfurth, lettre adressée à M. Boissier, en 1882.