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CANNE À SUCRE

sucre. » Elle fleurit et surtout fructifie rarement, comme en général les plantes qu’on multiplie par boutures ou drageons, et, si quelque variété de la canne était disposée à donner des graines, elle serait probablement moins productive de sucre, et bien vite on l’abandonnerait. Rumphius, meilleur observateur que beaucoup de botanistes modernes et qui a si bien décrit la canne cultivée dans les îles hollandaises, fait une remarque intéressante[1] « Elle ne produit jamais de fleurs ou de graines, à moins qu’elle ne soit restée pendant quelques années dans un endroit pierreux. » Ni lui, ni personne, à ma connaissance, n’a décrit ou figuré la graine. Au contraire, les fleurs ont été souvent figurées, et j’en ai un bel échantillon de la Martinique[2]. Schacht est le seul qui ait donné une bonne analyse de la fleur, y compris le pistil ; il n’a pas vu la graine mûre[3]. De Tussac[4], qui a donné une analyse fort médiocre, parle de la graine, mais il ne l’a vue que jeune, à l’état d’ovaire.

À défaut de renseignements précis sur l’indigénat, les moyens accessoires, historiques et linguistiques, de prouver l’origine asiatique, ont de l’intérêt. Ritter les donne avec soin. Je me contenterai de les résumer.

Le nom de la canne à sucre en sanscrit était Ikshu, Ikshura ou Ikshava ; mais le sucre se nommait Sarkara ou Sakkara, et tous les noms de cette substance dans nos langues européennes d’origine aryenne, à partir des anciennes comme le grec, en sont clairement dérivés. C’est un indice de l’origine asiatique et de l’ancienneté du produit de la canne dans les régions méridionales de l’Asie avec lesquelles le peuple parlant le vieux sanscrit pouvait avoir eu des rapports commerciaux. Les deux mots sanscrits sont restés en bengali sous la forme de Ik et Akh[5], Mais dans les autres langues, au delà de l’Indus, on trouve une variété singulière de noms, du moins quand elles ne descendent pas de celle des Aryens, par exemple : Panchadara en telinga, Kyam chez les Birmans, Mia en Cochinchinois, Kan et Tche ou Tsche en chinois, et plus au midi, chez les peuples malais, Tubu ou Tabu, pour la plante, et Gula, pour le produit. Cette diversité montre une ancienneté très grande de la culture dans les régions asiatiques, où déjà les indications botaniques font présumer l’origine de l’espèce. L’époque d’introduction de la culture en divers pays concorde avec l’idée d’une origine de l’Inde, de la Cochinchine ou de l’archipel Indien.

En effet, les Chinois ne connaissent pas la canne à sucre depuis un temps très reculé, et ils l’ont reçue de l’ouest. Ritter contredit

  1. Rumphius, Amboin, vol. 5, p. 186.
  2. Hahn, n° 480.
  3. Schacht, Madeira und Teneriffe, t. 1.
  4. Tussac (de), Flore des Antilles, 1, p. 153, pl. 23.
  5. Piddington, Index.