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TABAC

Grecs modernes). Celui de Cypros, usité par les Syriens du temps de Dioscoride[1], n’a pas eu la même faveur. Ce détail vient à l’appui de l’opinion que l’espèce était originairement sur les confins de la Perse et de l’Inde, ou en Perse, et que l’usage, ainsi que la culture, ont avancé jadis de l’est à l’ouest, d’Asie en Afrique.

Tabac. — Nicotiana Tabacum, Linné, et autres Nicotiana.

A l’époque de la découverte de l’Amérique, l’usage de fumer, de priser ou chiquer était répandu dans la plus grande partie de ce vaste continent. Les récits des premiers voyageurs, recueillis d’une manière très complète par le célèbre anatomiste Tiedemann[2] montrent que dans l’Amérique méridionale on ne fumait pas, mais on prisait ou chiquait, excepté dans la région de la Plata, de l’Uruguay et du Paraguay, où le Tabac n’était employé d’aucune manière. Dans l’Amérique du Nord, depuis l’isthme de Panama et les Antilles jusqu’au Canada et en Californie, l’usage de fumer était général, avec des circonstances qui indiquent une grande ancienneté. Ainsi on a trouvé des pipes dans les tombeaux des Atztecs au Mexique[3] et dans les tertres (mounds) des États-Unis. Elles y sont en grand nombre et d’un travail extraordinaire. Quelques-unes représentent des animaux étrangers à l’Amérique du Nord[4].

Comme les Tabacs sont des plantes annuelles, qui donnent une immense quantité de graines, il était aisé de les semer et de les cultiver ou de les naturaliser plus ou moins dans le voisinage des habitations, mais il faut remarquer qu’on employait des espèces différentes du genre Nicotiana, dans diverses régions de l’Amérique, ce qui indique des origines différentes.

Le Nicotiana Tabacum, ordinairement cultivé, était l’espèce la plus répandue et quelquefois la seule usitée dans l’Amérique méridionale et aux Antilles. Ce sont les Espanols qui ont introduit l’usage du tabac dans la Plata, l’Uruguay et le Paraguay[5] ; par conséquent il faut chercher l’origine de la plante plus au nord. De Martius ne pensait pas qu’elle fût indigène au Brésil[6], et il ajoute que les anciens Brésiliens fumaient les feuilles d’une espèce de leur pays appelée par les botanistes Nicotiana Langsdorffîi. Lorsque j’ai examiné la question d’origine en 1855[7],

  1. Dioscorides, 1, cap. 124 ; Lenz, Bot. d. Alterk., p. 177.
  2. Tiedemann, Geschichte des Tabacks in-8o, 1854. Pour le Brésil, voir Martius, Beiträge zur Ethnographie und Sprachkunde Amerikas, 1, p. 719.
  3. Tiedemann, p. 17, pl. 1.
  4. Les dessins de ces pipes sont reproduits dans l’ouvrage récent de M. de Nadaillac, Les premiers hommes et les temps préhistoriques, vol. 2. p. 45 et 48.
  5. Tiedemann, p. 38, 39.
  6. Martius, Syst, mat. med. bras., p. 120 ; Fl. bras., vol. X, p. 191.
  7. A. de Candolle, Géogr. bot. raisonnée, p. 849.