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JUTE

c’est-à-dire de cette région au pied du Caucase, où l’on a trouvé de nos jours le Lin annuel ordinaire sauvage. Il ne semble pas que les Grecs aient cultivé la plante à cette époque[1]. Les Aryens en avaient peut-être déjà introduit la culture dans la région voisine du Danube. Cependant j’ai noté tout à l’heure que les restes des lacustres de Laybach et Mondsee n’ont indiqué aucun Lin. Dans les derniers siècles avant l’ère chrétienne, les Romains tiraient de très beau Lin d’Espagne ; cependant les noms de la plante dans ce pays ne font pas présumer que les Phéniciens en aient été les introducteurs. Il n’existe pas en Europe un nom oriental du Lin, venant ou de l’antiquité ou du moyen âge. Le nom arabe Kattan, Kettane ou Kittane, d’origine persane[2], s’est propagé vers l’ouest seulement jusqu’aux Kabiles d’Algérie[3].

L’ensemble des faits et des probabilités me parait conduire à quatre propositions, acceptables jusqu’à nouvelles découvertes :

1. Le Linum angustifolium, ordinairement vivace, rarement bisannuel ou annuel, spontané depuis les îles Canaries jusqu’à la Palestine et au Caucase, a été cultivé en Suisse et dans le nord de l’Italie par des populations plus anciennes que les conquérants de race aryenne. Sa culture a été remplacée par celle du lin annuel.

2. Le Lin annuel (L. usitatissimum), cultivé depuis 4 ou 5000 ans au moins dans la Mésopotamie, l’Assyrie et l’Égypte était spontané et l’est encore dans des localités comprises entre le golfe Persique, la mer Caspienne et la mer Noire.

3. Le Lin annuel paraît avoir été introduit dans le nord de l’Europe par les Finnois (de race touranienne) ; ensuite dans le reste de l’Europe par les Aryens occidentaux, et peut-être, çà et là, par les Phéniciens ; enfin dans la péninsule indienne par les Aryens orientaux, après leur séparation des occidentaux.

4. Ces deux formes principales ou états du Lin existent dans les cultures et sont probablement spontanées dans leurs localités actuelles depuis au moins 5000 ans. Il n’est pas possible de deviner leur état antérieur. Leurs transitions et variations sont si nombreuses qu’on peut les considérer comme une espèce, pouryue de deux ou trois races ou variétés héréditaires, ayant elles-mêmes des sous-variétés.

Jute. — Corchorus capsularis et Corchorus olitorius, Linné.

Les fils de Jute, qu’on importe en grande quantité depuis quelques années, surtout en Angleterre, se tirent de la tige de ces deux Corchorus, plantes annuelles de la famille des Tiliacées. On emploie aussi leurs feuilles comme légume.

  1. Les textes grecs sont cités surtout dans Lenz, Botanik der Alten Griechen und Rœmer, p. 672 ; Hehn, Culturpflanzen und Hausthiere, éd. 3, p. 144.
  2. Ad. Pictet, l. c.
  3. Dictionnaire français— berbère, 1 vol. in-8o, 1844.