Page:Aloysius Bertrand - Gaspard de la nuit, édition 1920.djvu/17

Cette page a été validée par deux contributeurs.
11
GASPARD DE LA NUIT


» Je descendis chez les locataires de la terrasse. Le vieillard était un ministre de la religion réformée qui avait échangé la froide patrie de sa Thuringe contre le tiède exil de notre Bourgogne. La musicienne était son unique enfant, blonde et frêle beauté de dix-sept ans qu’effeuillait un mal de langueur ; et le livre par moi réclamé était un eucologe allemand à l’usage des églises du rite luthérien et aux armes d’un prince de la maison d’Anhalt-Coëthen.

» Ah ! monsieur, ne remuons pas une cendre encore inassoupie ! Elisabeth n’est plus qu’une Béatrix à la robe azurée. Elle est morte, monsieur, morte ! et voici l’eucologe où elle épanchait sa timide prière, la rose où elle a exhalé son âme innocente. — Fleur desséchée en bouton comme elle ! — Livre fermé comme le livre de sa destinée ! — Reliques bénies qu’elle ne méconnaîtra pas dans l’éternité, aux larmes dont elles seront trempées, quand la trompette de l’archange ayant rompu