riaux, — on s’attelle librement au turbin et ça ronfle ferme !
— Pardine, que j’interviens, la manigance n’est pas nouvelle : c’est grâce à des joints pareils, initiative et coopération volontaire, que dans l’époque de cafarderie du Moyen-Âge, se sont construites les cathédrales.
Oui, on les a construites sans emprunts, ni sociétés financières. Et c’est du beau turbin, c’est solide !
Un noyau de bougres intelligents, farcis d’initiative, accouchaient des plans, s’alignaient pour le bon ordre des travaux, « organisaient » le fourbi.
Puis, de tous côtés, s’amenaient des volontaires qui, pour quinze jours, un mois, six mois, — aussi bien riches que pauvres, — s’attelaient librement au turbin, si dur qu’il fût. Ceux-là partis, d’autres rappliquaient en foule. Et ça faisait le va-et-vient : les volontaires ne manquaient jamais !
Pour faire croûter cette fourmilière, des villes environnantes, des petiots villages lointains, d’autres volontaires envoyaient des montagnes de mangeaille, des tonneaux de picolo.
Ça ronflait ! Le trimballage des pierres énormes, le gâchage du mortier, tout le diable et son train s’accomplissaient en douce. Pour se reposer on chantait des cantiques, on pinçait un rigodon.
Et la cathédrale montait, montait !…
Finie, elle ne devait rien à personne : elle était l’œuvre des générations vivantes qui n’avaient pas, — comme dans notre société aussi crapuleuse qu’imbécile, — pour se payer une fantaisie, endetté les générations à venir.
Cet emballement qui a fait les cathédrales reviendra. Qu’on ait de la liberté, qu’on respire à pleins poumons, et vous verrez ce que la vie sera galbeuse à vivre.
La cathédrale a été une déception : elle a douché les enthousiasmes. En les édifiant, les populos avaient eu l’illusion de se sauver du malheur — mensonge !
Mais, demain — quand on aura ses coudées franches — les emballement refleuriront.
On ne refoulera pas aux gigantesques besognes : on y aura d’autant plus d’entrain qu’on en verra l’utilité, le bon côté immédiat.
Aussi, ma fille, ce que tu jaspines ne m’épate pas : c’est ainsi que ça doit se passer dans la société harmonique que tu as la veine d’entrevoir dans le bleu de l’avenir.
— Crédieu, quel beau gâchis, si dans ce monde-là y a ni lois, ni gendarmes, ni juges !
C’était encore l’Échalas qui lâchait sa bonde.
— Où as-tu vu, je lui réponds, les types dont tu parles empêcher un crime ? Ils arrivent comme les corbeaux après la bataille, quand tout est fini : ils reniflent dans tous les coins et, de même qu’un clou chasse l’autre, pour faire oublier le crime commis, ils en perpètrent un second : au nom de la loi on tue le coupable (plus malheureux que coupable) ou, suivant les cas, on se contente de lui enlever sa liberté, — crime presque aussi grand que de lui enlever la vie.
Et cette préservation qui n’en est pas une nous coûte rudement chérot ! On sue des millions tous les ans pour engraisser toute la racaille justiciarde. À bien voir, c’est nous les dindons : les chats-fourrés et leurs copains nous montent le job avec leur prétendue fonction de préservation sociale, — leur métier consiste uniquement à protéger les richards contre le populo, — voilà le vrai !
Mais ce n’est pas tout : il s’agit de savoir pourquoi il y a des criminels ?
En reluquant autour de soi, on constate que dans la catégorie des crimes, c’est ceux contre la propriété qui dominent : des roublards barbottent pour faire concurrence aux bourgeois et vivre à ne rien fiche ; d’autres surinent pour voler, etc. Sur dix crimes ou délits, neuf ont pour cause la propriété.