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L’AVIATEUR INCONNU

coutumier. Le bruit décroît d’abord, puis s’accen­tue de nouveau, et, son petit circuit accompli, Monsieur daigne nous laisser dormir. N’est-ce pas du dernier ridicule.

— C’est amusant, répliqua Flossie et bien inoffensif. Mais, puisque chaque visite est suivie d’une manifestation et d’une déclaration, j’avoue que je suis curieuse de con­naître celle que le jour nous réserve.

Elle fut debout de bonne heure, cette délicieuse Flossie et se mit en campagne, intriguée par la visite fugitive. En son absence, Elvire, qui avait refusé de sortir, reçut, un peu avant midi, des mains d’un fournisseur des alentours, un petit dispositif des plus curieux qui consistait en un léger parachute de soie, supportant, en guise de nacelle, une enveloppe close, portant son adresse, alourdie par plusieurs épais cachets de cire. Et quand Elvire eût ouvert ce pli, elle n’en tira qu’une simple carte, sur laquelle était tracée, en traits massifs, la lettre A.

Elle se demandait ce que signifiait cette nouvelle facétie, lorsque la bonne Noémi, revenant du marché, en rapporta deux parachutes absolument pareils au premier, ramassés sur la place par les commerçants arrivés de bonne heure. Leurs enveloppes livrèrent chacune une lettre majuscule : savoir un J et un E.

Et la farce continua. Successivement, Flossie qui était allée prendre l’air du Casino, exhiba, toujours dans une enveloppe où figurait la même adresse, suspendue au même parachute, un U ; le jardinier, dans un arbre, aperçut un peu plus tard, le même objet insolite qui révéla un O ; le facteur se chargea d’apporter encore un E… Bref, à la fin de cette journée mémorable, les habitants de la villa Cypris disposaient de neuf lettres majuscules qu’il ne fut pas nécessaire de manipuler bien longtemps pour former cette phrase éloquente ;

Je ous aime.

Seul le v manquait, emporté sans doute par un espiègle coup de vent.