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L’AVIATEUR INCONNU

étaient bien inoffensives. Mais quand elle apprit que l’amateur d’aviation était devenu assez dangereux pour mettre en péril le bonheur d’Elvire, elle commença de se passionner… Puis, mise au courant des faits réellement extraordinaires qui se déroulaient à Pourville, en l’honneur d’Elvire, elle témoigna d’un enthousiasme auquel la jeune fille était loin de s’attendre.

— Mais c’est très amusant, ce que tu me racontes, dit-elle, c’est tout à fait very exciting ! Tu me parles de cela comme d’une calamité, ma chère… je ne trouve pas qu’il y ait sujet de se tourmenter, voyons !

— Ah ! je te demande pardon ! rétorqua Elvire ; com­prends donc que mon honorabilité, mon amour-propre sont en jeu ! De quoi ai-je l’air, je te le demande ?

— Tu as l’air… tu as l’air… mais d’une personne qui a du succès, puisque l’on n’hésite pas à lui faire la cour par des moyens exceptionnels ! Je t’assure que si, en Angle­terre, pareille chose avait lieu, tout le monde y serait très sympathique !

— Je ne dis pas le contraire, mais nous sommes en France, dans un pays où il est toujours désagréable de se faire remarquer ! Sais-tu comment on m’appelle, dans Pourville, à l’heure qu’il est ? On m’appelle la bien-aimée de l’aviateur.

— Et puis après ?

— On me tourne en dérision… Quoi ! ça te semble tout naturel ?

L’Anglaise se mit à rire.

— Vous êtes drôles, vous autres Français, fit-elle, vous vous vantez à chaque instant d’être un peuple libre, vous avez toujours à la bouche les mots d’indépendance et de droit… Et quand l’un de vous commet une action un peu spéciale, vous vous scandalisez… You are funny, certainly !

— Le droit et la liberté n’ont rien à voir en cette cir­constance, dit Elvire. Ce farceur qui m’a choisie pour victime est absolument libre d’agir comme il lui plaît, à condition de n’importuner personne. Or, il me tracasse et me fait du tort !

— Tu n’as qu’à ne lui accorder aucune attention ! Le ciel est à tout le monde !

— Mais les lettres qu’il a l’audace de semer dans tous les coins du pays !