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L’AVIATEUR INCONNU

contre, de me mettre à l’abri d’une déconsidération dont je souffre au dernier point ! Je vous assure, cela devient intenable… je suis la fable du pays, et c’est tout juste si l’on ne me chansonne pas au Casino. Dois-je vous l’avouer, je trouve que vous êtes bien calmes en présence d’un tel préjudice.

Cette apostrophe parut toucher M. Félix Bergemont. Il se dressa et dit à la jeune fille :

— D’abord, mon enfant, je ne vois pas ce qui peut te mettre dans un état pareil ! Les faits ne valent que par l’apparence qu’on leur donne et la façon dont on les décrit. Tu viens de nous faire un tableau très sombre, mais qui, selon moi, ne correspond pas à l’exacte vérité.

— Pas possible ! lança Elvire d’une voix stridente qui annonçait la fureur. Et qu’est-ce donc qui correspond à la vérité ?

— Ma foi ! je ne vois pas pour ma part, déclara Bergemont cadet, que cette série de missives ait le caractère accablant que tu leur prêtes, ma fille, j’accorde que cette manière de faire la cour est tout à fait en dehors des rites habituels, mais en vaut-elle moins pour cela ? Que tu sois poursuivie, traquée même, je le reconnais… seulement, cette âpreté n’implique pas que l’aviateur inconnu…

Elvire employait toute son énergie à se contenir ; la bonhomie avec laquelle s’exprimait son père sur un sujet qui lui tenait tant à cœur, la jeta hors des gonds.

— Laisse-moi te dire, papa, s’exclama-t-elle, que tu prends par trop à la légère un événement funeste à mon honneur ! j’en suis à m’interroger pour savoir…

Elle se mordit les lèvres, reculant devant la grave parole qu’elle allait prononcer. L’oncle Tristan, surpris, hasarda :

— Tu te demandes… va, mon enfant, achève ! La jeune fille se tournait vers lui pour n’être pas contrainte de regarder son père en face et elle articula :

— Je me demande, en vérité, si papa n’a pas un intérêt quelconque à tolérer que des individus mettent ma répu­tation en lambeaux ! Chaque fois que j’ai eu à porter un jugement sur « l’Aviateur inconnu », comme il lui plaît de se baptiser, j’ai constaté que si, vous, mon oncle, vous réprouviez avec moi ses agissements, papa, au contraire, s’ingéniait à les justifier. Il est tout de même bien doulou-