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L’AVIATEUR INCONNU

son oncle et Jean-Louis, le premier, constamment épris de sa marotte, le deuxième, observateur narquois, le troisième, enfin, dépourvu de l’énergie qu’elle eût sou­haitée. C’était là le principal sujet de la préoccupation d’Elvire : elle s’étonnait que le peintre se montrât aussi nonchalant devant le risque sérieux auquel se trouvait exposé son amour. Comment se faisait-il que Jean-Louis Vernal ne fût pas inquiet davantage quand un adversaire aussi acharné que l’Aviateur inconnu entreprenait subite­ment de lui disputer la femme qu’il aimait ? Certes, Elvire, un soir, lui avait donné tous les apaisements désirables sur la force de ses propres sentiments… Mais quelle amante, même après avoir dit : Je n’aimerai jamais que toi ! n’escompte pas, malgré tout, la jalousie de l’homme préféré ? Bien qu’Elvire eût rassuré Jean-Louis, elle n’admettait pas qu’il n’eût pas l’ombre, d’une crainte ni qu’il acceptât avec tant de philosophie l’intrusion du rival aérien. « Il me semble qu’à sa place, son­geait Mlle Bergemont, je ne me tiendrais pas, comme lui, sur une prudente réserve ! Je remuerais ciel et terre pour découvrir l’auteur de ces déclarations impertinentes et je le sommerais d’y mettre fin sous peine d’une sévère cor­rection. Tandis que Jean-Louis se contente de partager mon indignation, et encore sans beaucoup de chaleur, mais, pour ce qui est d’agir, il se garde bien de me le proposer. Pourtant, si papa est vraiment l’instigateur de ces visites nocturnes, Jean-Louis a tout avantage à le convaincre de mauvais procédés à son égard. C’est son rôle plutôt que le mien, puisqu’il s’agit de vaincre les résistances paternelles ! Je suis déçue de constater sa nonchalance… On jurerait qu’il est étranger à la situation !

La pauvre Elvire se débattait ainsi dans ses perplexi­tés quand l’Aviateur inconnu se remit à donner des marques de son insupportable constance. Coup sur coup, dans la huitaine qui suivit, le fatal ronflement de moteur troubla le repos des Pourvillais, trois messages furent lancés qui, l’un après l’autre, parvinrent directement à Mlle Bergemont. L’un, découvert sur la terrasse du Casino, consistait en une forte enveloppe de toile lestée d’un simple galet ramassé au bord de la mer, enveloppe conte­nant une carte de visite au nom de l’Aviateur inconnu « avec l’expression de son respectueux attachement ». L’autre