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L’AVIATEUR INCONNU

à Dieppe, rapport au marché ! Je me suis dit que c’était pas gênant, avec ma bagnole, de faire un crochet en m’en retournant. J’ai demandé si on vous connaissait par ici. Et voilà comme quoi je suis venu vous voir, ma chère demoi­selle !

Elvire sentait venir la suite de la mystification. Pressée de rejoindre les siens, elle offrit au campagnard un rafraîchissement qu’il accepta sans se faire prier, puis, après lui avoir glissé un billet, revint dans la salle à manger.

— Nous ne sommes pas délivrés, prononça-t-elle, et sa voix frémissait de colère, le plaisantin à qui nous avons affaire a juré de nous tourmenter sans pitié. Savez-vous ce qui nous arrive ?

En quelques mots brefs, elle conta la découverte de l’étui dans les environs de Pourville.

— Il est évident, remarqua l’oncle Tristan en tournant le cylindre entre ses doigts, que ce tube est cousin du cône de plomb de l’autre matin. Toutefois ma petite, avant de te mettre martel en tête, tu devrais bien lire la lettre qui t’est adressée.

— Je vous avoue que je répugne à le faire, répliqua Elvire.

— Pourquoi ? Nous n’avons aucunement droit de supposer que l’envoyeur est répugnant le moins du monde !

Cette protestation émanait de Bergemont cadet ; dans le cas où la lettre provînt d’un aviateur ou, du moins, eût été lancée d’un avion, il prenait position pour défendre ses favoris.

Elvire déchira l’enveloppe, déplia le feuillet qu’elle renfermait et lut ces lignes tracées d’une écriture imper­sonnelle :

J’ai eu la joie infinie de rencontrer Mlle Elvire Bergemont. Je n’ai pu affranchir ma mémoire de son image. Il ne m’est pas encore permis de me révéler à elle. Jusqu’au jour où je serai autorisé à rompre l’incognito, qu’elle veuille bien accueillir sans déplaisir les témoignages de respectueuse constance que je lui adresserai du ciel.

Et c’était signé : L’Aviateur inconnu.

— Ah ! pour le coup, ça dépasse les bornes ! s’exclama Tristan Bergemont en assénant sur la table un magistral coup de poing.