— Sur la tête de mon enfant, prononça-t-il d’une voix émue, je jure que je n’ai soufflé mot à personne de ma prédilection touchant le choix d’un gendre ! Ce que j’ai pu dire, je l’ai dit ici, entre nous, dans le cercle familial… Le seul étranger qui l’ait entendu, c’est M. Vernal ! Donc, si une indiscrétion a eu lieu, c’est de ce côté qu’il faut orienter notre enquête !
— Je réponds de M. Vernal ! affirma Elvire avec vivacité.
— D’ailleurs, je ne vois pas très bien, ajouta l’oncle Tristan, quel intérêt aurait eu M. Vernal à ébruiter cette fantaisie regrettable !…
— Regrettable !… oh ! mais, pardon… coupa Félix Bergemont.
Mais son frère reprit, sans s’attarder à un débat inopportun :
— Comploter un tel subterfuge non seulement serait indigne du galant homme qu’il est, mais encore pourrait tourner à sa confusion en lui suscitant un rival ! Moi, je persiste à croire qu’une indiscrétion a été commise ; puisque Félix est sûr d’avoir tenu sa langue, nous devons nous en prendre à un autre que lui. Pour ma part, je suis d’ores et déjà hors de cause ; j’ai trop blâmé mon frère de sa lubie pour n’avoir pas gardé secrète une turlutaine aussi peu flatteuse pour son bon sens !
— Je remarque, dit Félix, que tu ne rates jamais l’occasion de me montrer sous un aspect grotesque !
— Arrivons à toi, ma petite Elvire, continua Bergemont aîné, as-tu la certitude de n’avoir révélé à personne cette malheureuse histoire d’aviateur ?
Elvire s’exclama presque indignée :
— Pouvez-vous me poser une pareille question, mon oncle ? Est-il supposable un instant que je me sois offerte de gaîté de cœur aux brocards des rieurs ? Oublier les paroles de papa, voilà ce que j’ai souhaité aussitôt, après les avoir entendues !
— À la bonne heure, fit Félix Bergemont d’un air pincé, c’est à qui me jugera le plus sévèrement ! J’ai l’impression, en vous écoutant, d’être un individu stupide, un inconscient qui parle pour ne rien dire !
— Je te prie de reconnaître, mon bon ami, observa son frère, que si tu n’avais pas chanté la louange des aviateurs