Page:Alma - L'aviateur inconnu, 1931.pdf/23

Cette page a été validée par deux contributeurs.
23
L’AVIATEUR INCONNU

— Il ne sait pas un mot de latin. Moi non plus, d’ailleurs, mais moi, je l’avoue !

Devant la physionomie fâchée de son oncle, Elvire prit le parti de rire, pour dissiper le malaise. Et Jean-Louis continua :

— Toujours est-il que je suis, je le répète, extrêmement heureux d’être reçu chez vous.

Après un court silence, il ajouta :

— Dans une lettre à ma mère, j’ai longuement parlé de vous tous, de vous, messieurs, et de Melle Elvire et… et je n’ai pas dissimulé que si j’avais le bonheur… l’inexprimable bonheur d’être agréé par vous, je…

Tristan Bergemont se caressait la barbe, sentant la période difficile. Félix Bergemont avait brusquement levé les yeux et considérait Jean-Louis avec une espèce d’inquié­tude. Quant à Elvire, immobile et pâle, elle attendait son destin.

— Bref, continua l’artiste en se levant, j’ai l’honneur, messieurs Bergemont, de vous révéler que j’aime Melle Elvire et de vous demander sa main.

Un silence énorme se fit entre les quatre interlocuteurs. Bergemont aîné se gardait de lâcher le moindre mot, pré­férant ménager ses forces… Et Bergemont cadet, les mains étreignant ses genoux, le regard attaché sur le peintre, paraissait prêt à bondir. Finalement il prit la parole :

— Monsieur Vernal, je vous connais assez pour me sentir flatté de votre demande. Je dois dire que vous ne me déplairiez nullement, bien au contraire, si vous n’exerciez, par malheur, l’une des professions pour lesquelles j’ai le moins d’estime.

Jean-Louis voulut placer un mot, mais, du geste, il le pria de le laisser achever :

— Permettez ! Il s’agit de bien me comprendre ! Je n’ai pas à vous blâmer d’avoir embrassé telle carrière plutôt que telle autre, attendu que chacun se conduit comme il lui plaît. Mais vous concevez, je présume, qu’ayant passé ma vie à exalter l’action et à me détourner du rêve, à honorer les sciences et à négliger les beaux-arts, je m’infligerais à moi-même un démenti formel si j’accordais ce que j’ai de plus précieux à un rêveur doublé d’un artiste.

— Mon cher Jean-Louis, prononça alors l’oncle Tristan, vous saisissez bien, n’est-ce pas, que mon frère parle en son