colère. Plus nerveux sans doute, moins patient qu’à l’ordinaire, il déclara tout net :
— Je n’ai prononcé aucun serment, mais je suis tout prêt à le faire, ne serait-ce que pour montrer mon autorité paternelle constamment bafouée.
— C’est ta faute ! On ne peut prendre au sérieux les fariboles que tu débites !
— Les fariboles… ah ça ! mais, dis donc !
— Parfaitement ! Il est permis d’admirer les aviateurs, mais de là à leur offrir sa fille…
— Offrir ? mais tu m’insultes et tu insultes Elvire en parlant ainsi !
La jeune fille sentit que les choses se gâtaient ; vite elle s’interposa ;
— Papa, tu as mal compris, et toi, mon oncle, tu as parlé trop vite ! Un peu de sang-froid, s’il vous plaît !
— J’en ai, du sang-froid, cria Félix Bergemont qui ne se possédait pas, et je répète que l’on vient de m’outrager ! À la fin, ce persiflage devient intolérable… Oui, monsieur, je marierai ma fille à un aviateur ; parce que, moi badaud, moi jobard, comme vous vous plaisez à le répéter, je m’enthousiasme pour ces êtres courageux, dont le désintéressement échappe à votre égoïsme. Et, puisque vous parlez de serment, continua-t-il en se grisant de sa propre colère, comme tous les faibles, je jure, entendez-vous, je jure que ma fille Elvire ici présente n’épousera qu’un aviateur, moi vivant !
— Oh ! papa ! fit Elvire d’un ton suppliant, tu n’es pas sérieux, voyons ! Mesure la portée de tes paroles !
— Mais j’en sais toute l’importance, mon enfant, je ne suis pas de ces ironistes, de ces amateurs de paradoxes (il foudroyait son frère du regard) qui parlent à tort et à travers, pour le seul plaisir de s’entendre ! Je répète que tu épouseras un aviateur, parce que c’est ma volonté, laquelle n’est pas inexistante, ainsi qu’on a par trop tendance à le croire.
— Tu oublies qu’on ne prend pas un mari à cause de la profession qu’il exerce… On le prend parce qu’on l’aime.
— Nous sommes d’accord ! Je n’ai pas l’intention de te marier à un aviateur que tu n’aimerais point !
— Mais je ne peux répondre de mon inclination, dit