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FABRE D’ÉGLANTINE

fanation : mais le philosophe y voyait le présage d’un prochain triomphe de l’humanité sur la chevalerie, de l’homme sur le gentilhomme ; il y voyait l’espérance de la vraie régénération nationale, la destruction future d’un préjugé qui, non moins nuisible, non moins invétéré en Europe qu’aucune autre superstition, a peut-être retardé encore davantage les progrès de la Société.

Après cette première invasion du garde-meuble, ceux qui habitaient cette maison, se croyant délivrés de tout péril, en fermèrent les portes ; mais leurs frayeurs recommencèrent lorsqu’ils se virent assiégés de nouveau par une seconde troupe, plus redoutable que la première, puisqu’elle était composée d’hommes encore plus pauvres, plus mal vêtus, moins honnêtes, comme on disait alors ; car l’extérieur de l’indigence était, pour des yeux prévenus, la menace du brigandage. Cependant, cette seconde troupe, non moins honnête, en prenant ce mot dans un sens plus exact, déclara qu’elle ne voulait causer aucun dommage, mais seulement faire la visite de la maison. On leur représenta que leur seule multitude pouvait occasionner quelque dégât, et on leur proposa de choisir un certain nombre d’entre eux pour s’assurer qu’il ne restait plus d’armes, La proposition fut acceptée et les députés introduits, tandis que la foule se répandait dans les cours. Il est vrai que, dans cette foule, quelques mal intentionnés, s’arrogeant les droits de la députation, osèrent arbitrairement se confondre avec elle et parcoururent différentes salles et cabinets. Un d’eux, ayant vu le bouclier d’argent de Scipion l’Africain[1], voulut s’en emparer ; tentation dont il fut châtié sur-le-champ. « Veux-tu, lui dirent ses camarades, nous faire prendre pour des voleurs ? » Il s’excusa, en représentant que le bouclier était une arme défensive,

  1. Désigné également sous le titre de bouclier d’Annibal ; mais il n’avait probablement appartenu ni à Annibal ni à Scipion.