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Ce principe que je rappelais au commencement de cet écrit, ce principe que la presse a salué de ses bravos, le voici : l’école élémentaire ne doit pas viser à enseigner à l’enfant tout ce qu’il lui sera utile de savoir dans sa vie, ni à rendre l’enfant capable d’exercer un métier ou une profession lorsqu’il en sort ; elle donne les notions fondamentales indispensables à tout homme sans distinction, elle oriente sans spécialiser. C’est, dans ces vues qu’on en a éliminé la comptabilité commerciale pour ne donner que les éléments fondamentaux de toute comptabilité ; — qu’on a retranché les sciences, pour ramener l’observation sur les choses familières qui entourent l’élève ; — qu’on a classé les matières en essentielles et en accessoires ; — qu’on a créé, à la suite de l’école élémentaire, l’école complémentaire où les connaissances éliminées pourront être introduites et développées en vue des spécialités vers lesquelles l’élève voudra orienter sa carrière. Et c’est précisément l’annonce de ce principe et de ces réformes qui a provoqué de chaudes adhésions.

Or, le mémoire en question suppose que l’enfant, au sortir de l’école élémentaire, va entrer immédiatement en position. « Aucune position n’est accessible à nos jeunes Canadiens français s’ils ne peuvent parler et écrire dans les deux langues. »

Très bien, je suppose ; c’est pourquoi je dis : montrons-leur donc au moins à parler et à écrire dans leur propre langue ! Cela nous évitera l’humiliation d’entendre dire, comme je l’ai entendu de la bouche de deux hauts fonctionnaires civils, que les employés de bureaux dont ils utilisaient les services, quoique “gradués” d’académies en renom, leur faisaient des documents, leur rédigeaient des lettres qu’ils auraient honte de signer, et qu’ils ont dû les remplacer par des jeunes filles sortant de couvents moins réputés, mais enseignant mieux le français. Cela nous évitera l’humiliation que m’avouait un père de famille occupant une haute position sociale : « C’est pénible ; mon fils a fait tout son cours à telle académie, et il ne veut jamais écrire qu’en anglais, parce qu’il avoue ne connaître pas suffisamment sa langue. » Et c’est un représentant de la plus pure essence canadienne.

Mais pour revenir à ma première idée, s’il faut connaître l’anglais pour n’importe quelle position, faut-il donc que l’anglais envahisse le cerveau de l’enfant au seuil de l’école où il entre à sept ans ? L’anglais, comme toutes les autres connaissances qui viennent se greffer sur la formation première, ne s’apprendra-t-il pas mieux quand cette première formation aura développé la capacité d’apprendre ? Est-ce que tous nos hommes publics qui ont fait l’honneur de notre race n’ont pas appris l’anglais, règle générale, après avoir acquis la première formation dans leur langue maternelle ?